*********** LE LIVRE BLANC ***********

********** SUR LA TORTURE AU BENIN **********

*************** 1972 - 1990 ***************

*************** (TOME I) ***************

Nous avons le plaisir de vous présenter pour la première fois la version électronique de cet important document historique qui est toujours d'actualité bien que édité sous forme livre pour la première fois en 1990. Nous le mettons à votre disposition au fur et à mesure de sa saisie par les militants des droits de l'homme. Nous remercions tous ces bénévoles qui participent actuellement à cette saisie et surtout La Ligue Béninoise des Droits de l'Homme qui a bien voulu nous donner son accord pour une telle publication.

Paris le 05 Février 1997.

Dernière mise à jour : 27 Avril 1997


SOMMAIRE


SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISEES DANS CET OUVRAGE

P.D.U. :        Parti Dahoméen de l'Unité                                            

P.R.P.B. :      Parti de Révolution Populaire du Bénin                               

J.U.D. :        Jeunesse Unie anti-impérialiste du Dahomey                           

U.G.E.E.D. :    Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey                    

F.A.C.E.E.N. :  Front d'Action Commun des Elèves et Etudiants du Nord                

C.S.N. :        Comité de Salut National                                             

P.C.D. :        Parti Communiste du Dahomey                                          

F.D.A.I. B. :   Front Démocratique et Anti-Impérialiste du Bénin                     

C.A.E. :        Comité d'Action des Etudiants                                        

C.A.F.P. :      Comité d'Action des Finances, du Plan et de la Statistique           

C.A.C.O. :      Comité d'Action de Commune Urbaine                                   

CO.PA.T.CO. :   Comité des Paysans et Travailleurs de Commune Rurale                 

CO.GE.L.E.B. :  Comité Générale de Lutte des Elèves du Bénin                         

SYNAPLASTA :    Syndicat National du Plan et de la Statistique                       

S.N.E.S. :      Syndicat National des Enseignants du Supérieur                       

SYNESTP :       Syndicat National des Enseignements Secondaire Technique et          
                Professionnel                                                        

S.N.E.M.B. :    Syndicat National des Enseignements Maternel et de Base              

C.C.D.B. :      Comité Culturel pour la Démocratie au Bénin                          

C.D.D.H.P.E. :  Comité pour la Défense des Droits de l'Homme et la Protection de     
                l'Environnement au Bénin                                             

C.C.S.C.S.N. :  Coordination des Comités de Soutien au C.S.N. en Côte d'Ivoire       

C.I.C.R. :      Comité International de la Croix-Rouge                               

A.C.A.T. :      Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture                  

F.I.D.H. :      Fédération Internationale des Droits de l'Homme                      

A.N.R. :        Assemblée Nationale Révolutionnaire                                  

U.N.B. :        Université Nationale du Bénin                                        

C.E.M.G. :      Collège d'Enseignement Moyen Général                                 

M.I.S.O.N. :    Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de l'Orientation         
                Nationale                                                            

O.M.S. :        Organisation Mondiale de la Santé                                    

S.D.I. :        Service de Documentation et d'Information                            

M.R.A.P. :      Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix         

C.I.M.A.DE. :   Comité Inter-Mouvement d'Action pour le Développement                



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AVANT-PROPOS

En décidant de publier ce LIVRE BLANC sur les tortures au Bénin, les anciens détenus politiques et autres victimes de la répression au Bénin, à travers leur association voudraient informer l'opinion publique tant nationale qu'internationale sur l'état des droits de l'Homme au Bénin, particulièrement depuis ses dix-sept (17) années du règne autocratique que le régime du Gouvernement Militaire Révolutionnaire (GMR) et celui du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (P.R.P.B) ont fait subir à nos peuples.

Loin d'être une dénonciation des seuls régimes connus ces dix-sept dernières années, c'est-à-dire ceux du G.M.R. et du P.R.P.B., l'acte qu'ils posent par la publication de ce Livre Blanc, se veut aussi une dénonciation de tout ce qui est violation des Droits de l'Homme par les anciens régimes.

Quoique ce Livre Blanc ne referme que quelques témoignages sur les inombrables cas vécus, il se présente comme un livre-recueil d'actes de barbarie subis depuis le coup d'Etat du 26 Octobre 1972 dans notre pays. Et pourtant, il ne s'agit là que d'un échantillon très représentatif.

Ainsi, au-delà de son caractère narratif, ce document se veut d'une part une marque de témoignage de gratitude à l'égard de tous ceux qui de loin ou de près, moralement et/ou matériellement, ont contribué à la lutte contre l'autocratie et pour la démocratie dans notre pays, à tous ceux qui nous ont soutenus pendant ces luttes ; par ailleurs il se veut aussi une contribution de notre part aux luttes que les peuples de par le monde mènent pour la démocratie véritable, la justice et la paix.

Ce livre se veut enfin un gage pour l'avenir contre les menaces qui pèsent toujours sur la démocratie (car déjà, sous le régime même du Renouveau, on observe des cas de violation de Droits de l'Homme) et pour que disparaissent du Bénin et de l'Humanité toute entière, toute pratique ou toute idée susceptibles de conduire à la violation des droits de l'Homme, à des traitements déshumanisants. Pour ce faire l'ASS.AN.DE.P. se donne pour mission urgente d'oeuvrer à la création d'une Liguedes Droits de l'Homme au Bénin.

(ASS.AN.DE.P.)


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INTRODUCTION

Tout le monde s'émeut à propos des témoignages sur la torture sous le régime du Parti-Etat P.R.P.B.. L'on se demande en quoi des fils de notre peuple ont pu mériter un traitement aussi cruel et déshumanisant. La réflexion a débordé le cadre de la simple compassion pour se laisser abuser par un discours démocratiste facile. Comprendre pour s'impliquer dans une défense conséquente des droits de l'homme.

"Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droit". C'est là un principe qui n'a pas existé de tous les temps. Le triomphe n'en a pu être possible qu'au prix de lourds sacrifices en vies humaines et notamment par la révolution Française de 1789. Ainsi naissait la démocratie moderne.

Dans la déclaration Universelle des droits de l'homme il est dit à l'article 3 : "Tout individu a droit à la vie à la liberté et à la sécurité de sa personne". Mais l'expérience concrète dans ce domaine à travers le monde a prouvé que le fossé est souvent très grand entre le principe et la réalité vécue en matière de respect des droits de l'homme dans chaque pays. Face à une situation oppressive, droit de l'homme et droit du peuple se conjugent pour fonder le droit de s'insurger, comme le prévoyait cette même Déclaration Universelle des droits de l'homme qui dans son préambule dit :

"Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience, et que l'avènement d'un monde où des êtres humains seront libres de parler ou de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme".

'Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprème recours à la révolte contre la tyrannie et l'oppression".

Ainsi donc, il importe de comprendre que l'instauration d'un Etat de droit moderne ne s'octroie ni ne se décrète. La jouissance de ces droits est fonction du niveau de développement économique et du niveau de conscience, ainsi que des luttes politiques dans un pays.

C'est ainsi que dans les sociétés esclavagistes et patriarcales, les esclaves et les paysans n'ont été libérés de leurs entraves que pour être contraints aux travaux forcés. Les luttes des intellectuels pour l'assimilation imposeront au colonisateur d'importantes concessions. La montée des luttes des réformes profondes du système de domination des peuples.

L'indépendance nominale du 1er août 1960 verra naître l'Etat du Dahomey (aujourd'hui Bénin) dont la forme républicaine avait été décrétée déjà par la loi cadre de 1956.

Toutes ces constitutions adoptées pour organiser la vie politique de notre pays ont fait référence de la Déclarationdes droits de l'homme. Des chapitres et des articles entiers sont consacrés aux libertés, et pourtant la violation des droits de l'homme a été une pratique constante sous tous ces gouvernements qui avaient pour point commun d'opprimer le peuple. Une véritable bureaucratie s'est installée au pouvoir avec à son sommet des chefs politiques civils et militaires qui rivalisent pour un contrôle exclusif du pouvoir politique, procédant parfois à des alliances tactiques et à des coups d'Etat pour atteindre leur objectif, aidés dans leur sale boulot par une cohorte de gens corrompus.

Cette bureaucratie, du sommet à la base, vit de ce système et s'oppose à l'émancipation du peuple. Dès lors elle évoquera les "nécessités de l'ordre et de la sécurité publique" pour justifier tous les crimes. Pour se donner les moyens légaux de son action et faire face aux pressions intérieures et extérieures elle fera élaborer un arsenal juridique adapté à ses besoins.

C'est dans ce but que sera prise la loi 61-7 du 20 Février 1961 sur la sécurité publique et dont l'article 1er dispose :

"Les personnes dont les agissements sont dangereux pour l'ordre et la sécurité publique, le crédit d'Etat ou tendent manifestement à compromettre l'édification de la république du Dahomey, et par voie de conséquence la cohésion et l'union nationale pourront , par arrêté du Ministre des Affaires Intérieures et de la Sécurité et , indépendamment des poursuites judiciaires dont elles pourront faire l'objet,

- soit être éloignées des lieux où elles résident,

- soit être astreintes à résider dans une circonscription désignée spécialement à cet effet.

- soit être administrativement internées dans un établisement spécial,

- soit être exilées,

- soit s'il s'agit de personnes non originaires du dahomey, être expulsées du territoire de la république.

La durée de l'enseignement de la résidence obligatoire de l'internement ou de l'exil sera fixée par le Ministre des Affaires Intérieures et de la Sécurité Publique qui pourra éventuellement la prolonger ou l'abroger".

Cette loi modifiée par le même régime du PDU de MAGA-APITHY par la loi 61-32 du 14 mars 1961 qui dispose :

"Article 1er : avant de prendre ou après avoir pris les arrêtés prescrivant les mesures énoncées à l'article 1er de la loi 61-7 du 20 Février sur la sécurité publique, le Ministre de l'intérieur pourra ordonner par écrit aux services de police de procéder aux investigations, arrestations et perquisitions qui s'avèrent nécessaires dans une affaire donnée.

"Article 2 : les nullités prévues par les lois de procédure applicables au Dahomey ne pourront être invoquées contre les actes accomplis pour l'exécution des ordres que donnera le Ministre de L'intérieur en vertu de l'article précédent."

Ainsi les lois de procédure qui sont en principe conforme à la lettre de la constitution en vigueur deviennent nulles et de nul effet.

Avec cette loi sur la sécurité publique, la bureaucratie au pouvoir déclare inopérante les dispositions constitutionnelles dont elle découle.

C'est donc l'état de siège permanent de la bureaucratie contre le peuple. Attestations et détentions, exils et assassinats sont alors autorisés au nom de l'ordre public et cela contre tout usage des droits de l'homme par le peuple et parfois pour des règlements de compte au sommet de la bureaucratie.

Tel a été le cas avec M. AHOMADEGBE qui utilisa cette loi contre les responsables du mouvement étudiant en 1972 sous le régime du conseil présidentiel. Il est à noter que c'est ce même AHOMADEGBE qui avait été la première victime de cette loi-là, avec l'éclatement du premier gouvernement formé après l'indépendance de 1960.

A l'article 2 de la loi 61-7 précitée, il est prévu :

"les biens utilisés par des personnes visées à l'article 1er de la présente loi, même en absence de toute mesure relative à la personne intéressée, peuvent être placés sous l'administration provisoire d'un séquestre ou définitivement saisis ou confisqués au profit de la Nation." Cette disposition sera complète sous le régime du gouverneur fasciste ZINSOU par l'Ordonnance 69-10-/P.R. du 14 mai 1969 comme suit :

"Lorsqu'il s'agit de fonctionnaires ou de tous autres agents de l'Etat, ils feront en outre l'objet de l'une des sanctions prévues à l'article 43 de la loi 59-21 du 31 Août 1959 portant statut général de la fonction publique et cela qu'il soit besoin de suivre la procédure prévue à l'article 44 de ladite loi."

On voit là comment d'autres clauses de sauvegarde favorables à l'Agent Permanent de l'Etat se sont trouvées contournées par des hommes politiques qui se présentent aujourd'hui comme des champions du renouveau démocratique.

Il faut souligner par ailleurs la création des Tribunaux d'Exception dont l'existence constitue en elle- même des violations des droits de l'homme parce que constituant une justice expéditive. Ainsi il a été créé en 1986, la cour criminelle d'Exception, puis en 1988 la cour de sûreté de l'Etat.

Mais toutes ces institutions et lois ont été chaque fois remises en cause par le mouvement démocratique au cours des multiples luttes qui ont jalonné l'histoire de notre pays. Souvent ces mêmes lois réapparaissaient quelques années plus tard, revues et corrigées dans un sens encore plus répressif pour le mouvement démocratique, mais aucune d'elle n'aura réussi à étouffer les légitimes aspirations des masses en lutte pour la liberté et la justice sociale. Elles ont toujours lutté la tête haute contre le régime autocratique du Parti- Etat PRPB depuis le coup d'Etat du 26 Octobre 1972 où un groupe d'officiers sous la direction du commandant KEREKOU renversa le conseil présidentiel, proclamant la révolution et installant un gouvernement militaire qu'il baptisa de "révolutionnaire".

Au nom de cette révolution, il fera jeter en prison les trois présidents déchus (MAGA- AHOMADEGBE-APITHY) qui y resteront un dizaine d'années.

Très tôt, ce gouvernement montrera son vrai visage. Les violations des droits de l'homme se succèderont à une cadence infernale. Cest ainsi que :

* En 1972 : un paysan de Savè du nom de BENON s'est vu arracher un membre inférieur par une grenade défensive lancée par les gendarmes sur une foule de paysans qui réclamaient des prix rémunérateurs pour leurs produits.

* En Février 1973, de nombreux chefs militaires seront écartés de l'appareil pour avoir osé contester l'autorité du "Grand Camarade".

* 1974 : Début des tentatives de baillonnement des organisations de jeunes et des associations régionales de scolaires. Ainsi la Jeunesse Unie anti-impérialiste du Dahomey (JUD) et toutes ses sections de base seront dissoutes. L'Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey (UGEED) et le Front d'Action Commun des Elèves et Etudiants du Nord (FACEEN) seront remplacés par des structures d'embrigadement du pouvoir en 1976.

* 1975 : Nouvelle vague d'éliminations des militaires insoumis. Tentative de coup d'Etat de Janvier ASSOGBA en Janvier 1975.

Le grand événement de cette année-là sera l'assassinat politique du Capitaine Michel AIKPE, numéro 2 du régime, Ministre de l'Intérieur dont les ambitions pour le trône devenaient insupportables pour l'autocrate.

Les manifestations de protestations qui suivront cet assassinat crapuleux seront sauvagement réprimées, faisant de nombreuses victimes. Certains seront déportés à DODJA, parmi lesquels le regretté Hilaire AKAN, mort faute de soins.

- Cette même année, le mécanicien ADJAGBONI Dieudonné fut arbitrairement arrêté et torturé à mort pour une fausse accusation.

* 1976 : Une quinzaine de personnes (fonctionnaires, élèves et étudiants) arrêtées sous prétexte d'appartenir à l'Union des Communistes du Dahomey (UCD) seront torturées et enrolées de force dans l'armée au grand mépris de l'article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme. Elles seront déportées à la carrière de DAN et au camp militaire de OUASSA.

* 1977 : Nouvelle vague d'arrestations d'étudiants soumis à des traitements atroces et inhumains. Toutes ces brutalités et cruautés étaient dictées par le tout puissant MISON d'alors, le GOEBBELS béninois Martin Dohou Azonhiho.

*1979 : Des responsables de la Coopérative Universitaire furent arrêtés suite aux menaces proférées par le chef de l'Etat lors de son passage à l'Université en mai 1979 contre les étudiants : "Nous marcherons sur des cadavres. Puissent ces cadavres-là être des corps d'étudants, cela ne nous fait pas peur... BOKASSA a raison de tirer sur les enfants, etc..." Tels étaient les propos tenus à l'UNB ce jour-là par le dictateur béninois Mathieu Kérékou.

Un état de siège permanent sur le campus universitaire dès cette époque par le pouvoir, violant ainsi sans vergogne les franchises universitaires acquises de haute lutte.

* 1981 : D'autres centres de détention politique seront ouverts : aux prisons civils de Cotonou et de Porto-Novo, viendront s'ajouter celles de Ouidah, d'Abomey, de Natitingou ainsi que les camps de Parakou, de Kandi, de Bembérékè qui regorgeront de Béninois victimes de la répression.

Tout cet arsenal répressif était mis en place par l'autocrate dans le but de liquider cette opposition animée par le Parti Communiste du Dahomey (PCD) que le Parti-Etat-PRPB désignait comme l'ennemi public n° 1 à abattre.

Les luttes ininterrompues, les exigences sans cesse croissantes du peuple ont forcé le pouvoir à libérer tous ces détenus en Août 1984. Mais ce simulacre d'amnistie ne fut que de courte durée car dès septembre de la même année, une nouvelle vague d'arrestation sera déclenchée, au cours de laquelle les deux porte-paroles des détenus à peine libérés seront remis dans les geoles du pouvoir.

* Avril 1985 : Nouvelles chasses à l'homme qui culmineront avec les manifestations des 5/6Mai 1985. Ordre fut donné de tirer à vue sur les manifestants. Un jeune élève, ATCHAKA Parfait tombera sous les balles des assassins.

* Mars 1987 : Un groupe d'officiers de l'armée accusés de tentative de coup d'Etat fut arrêté.

* Juillet 1988 : D'autres officiers seront arrêtés et jetés en prison pour les mêmes motifs. Création de la cour de sûreté de l'Etat.

* 1989 : Arrestation tous azimuts d'enseignants grèvistes, d'élèves, d'étudiants et de fonctionnaires. Une fois encore, Kérékou ordonne de tirer sans sommation sur tout rassemblement de plus de deux (2) personnes.

Mais les luttes populaires se poursuivront malgré toutes ces menaces et obligeront le Parti-Etat- PRPB à prononcer une amnistie générale le 29 Août 1989.

Ce fut un tounant car à partir de ce moment chaque nouvelle arrestation mobilisera de larges fractions de la population contre l'arbitraire, contre les violations des droits de l'homme. Cette mobilisation se poursuivra pour atteindre son sommet le 11 décembre 1989, date désormais historique pour le peuple béninois dans sa lutte contre le pouvoir scélérat du Parti-Etat-PRPB.

* 1990 : Tortures et sévices corporels se sont poursuivis sur la personne des travailleurs, étudiants et paysans arrêtés dans le cadre de leurs luttes contre les maires corrompus.

- Dévastation de villages entiers (cas Sogbavihoué),

- Assassinat à Kinkinhoué de Maurice DANSOU,

- Destruction de maisons de responsables syndicaux sous l'autocratie.

Avec l'avènement du régime du renouveau démocratique, on assiste déjà à de nombreux cas de violations des droits de l'homme :

- Assassinat d'un vendeur d'essence à Kouhounou (Anicet ...),

- Assassinat de deux vendeurs de carburant à Kraké,

-Interdiction des vendeurs ambulants dans les carrefours et dans certaines zones commerciales de Cotonou,

- Menaces fréquentes du Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Publique et de l'Administration territoriale sur les libertés publiques,

- Mandat d'arrêt délivré subreptissement à l'encontre de responsables d'organisations démocratiques,

- Maintien des lois sur l'internement administratif,

- Maintien des tribunaux d'exception (cour criminelle d'exception, cour de sûreté de l'Etat).

Nous ne saurions terminer sans rendre hommage à tous les combattants de la liberté qui ont versé leur sang pour la liberté. Hommage à ces martyrs du peuple béninois qui ont pour noms :

AKPOKPO-GLELE Rémi, ATCHAKA Parfait, AKAN Hilaire, ADJAGBONI Dieudonné, ARABA Désiré, ADJAVON, AGOLI-AGBO Clovis, BENON Julien, BOCO Crépin, TOGBADJA Luc, DANSOU Maurice, HOUDEGLA Alphonse, HOUNMENOU Christophe, GNIMADI Serge, et toutes les autres victimes d'assassinat politique ainsi que tous ceux qui sont morts de faim, de maladie ou de chagrin du fait de ce pouvoir de la honte.


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CONCLUSION DU LIVRE BLANC

Voilà les faits tels qu'ils sont produits. Voilà l'effroyable réalité que notre peuple a vécue pendant 17 ans ; nous dirons même pendant 30 ans car l'enfer apocalyptique du régime de KEREKOU-PRPB n'a été que le paroxysme de situations antérieures, de voies de faits et de violations des droits de l'homme perpétrés par les régimes d'avant 1972 et consacrés notamment par les textes tels que la loi 61-7 du 20 Février 1961 et l'ordonnance 96-10 PR du 14 mai 1969.

Aujourd'hui en découvrant toutes ces horreurs maintenues cachées pendant longtemps, tous les honnêtes gens s'écrient : "Plus jamais cela dans notre pays".

Oui en effet, plus jamais cela. Mais pour que de telles choses ne se reproduisent plus, tout citoyen doit se poser les questions de savoir comment en est-on arrivé à ces horreurs-là et quel est le limon fertilisant susceptible de générer et d'entretenir de telles situations.

1. Comment en est-on arrivé là ?

En guise de réponse à cette question nous pouvons dire citant Maurice DRUON : "C'est toujours sur une démission collective que les tyrans fondent leur puissance" ; Citation à laquelle on peut ajouter celle de R. CAILLOUX : "La liberté n'existe que là où l'intelligence et le courage parviennent à mordre sur la fatalité".

Lorsqu'un groupe d'hommes représentant des intérêts minoritaires se trouvent au pouvoir, son premier souci est de bâillonner la majorité, de choisir toute forme d'action et toute voie légale pour assurer "sa sécurité". Une mince couche périphérique achetée avec des sinécures par le groupe au pouvoir et chargée de peindre le noir en blanc, de chanter les louanges du "Guide éclairé", du "Rédempteur", du "timonier", du "Grand Camarade de lutte", etc. Si tous les autres apeurés par le déploiement des forces et le déluge des mots courbent l'échine, le processus est bouclé.

Notre peuple a connu un tel cheminement, il a connu des moments d'hébétude dirait-on, de dégaiements qui ont permis ce qui se passait dans notre pays depuis lors.

Il apparaît clair pour tout le monde que le pouvoir de KEREKOU a battu tous les records dans l'escalade de la répression des démocrates combattants de la liberté. Sous le couvert d'une prétendue lutte contre la sorcellerie et le fétichisme, ce pouvoir barbare, le sinistre AZONHIHO en tête, a procédé à des massacres collectifs, semant la terreur au sein des paisibles populations, torturant avec des méthodes horribles (introduisant du piment dans les orifices génitaux et dans les yeux des femmes ou écrasant les testicules des hommes à coups de pilons). Ce même régime par la bouche du tyran a menacé de tirer sur les étudiants en assemblée générale, le 6 mai 1979. Ce même régime avec sa logique scélérate dictée par l'autocrate fera assassiner le jeune ATCHAKA Parfait, élève au CEMG de Gbégamey, froidement abattu d'une balle dans le dos au cours des manifestations des 5/6 mai 1985. Plus récemment encore en août 1989, le jour-même où le sanguinaire KEREKOU devait se faire investir par l'ANR à la "Magistrature Suprême de l'Etat", le regretté Désiré ARABA, agent de l'OMS précédemment en service au Burkina-Faso, sera également abattu au volant de sa voiture dans les rues de Cotonou. Le pauvre Désiré qui a eu le "tort" de se trouver aux abords de la voie empruntée par le cortège présidentiel devait alors payer de sa vie et abandonner ainsi parents, femmes et enfants dans la détresse.

A travers ces exemples brièvement rappelés, on perçoit nettement la nature scélérate de ce régime qui rappele étrangement les pires moments de l'époque hitlérienne en allemagne et du racisme en Afrique du Sud. Les témoignages rassemblés ici sont suffisamment édifiants quant aux actes criminels commis contre notre peuple par les tortionnaires professionnels qui ont noms : Clément ZINZINDOHOUE, Fouséni GOMINA, Pascal TAWES du service de documentation et d'Information (S.D.I.) du petit Palais ; Gaston COOVI, Jerôme SOGLOHOU, Irénée GOUCHOLA, Moumouni ZANKARO, Marius DADJO et autres Alexis BABALAO, HOUNSOU Patrice du 2è bureau de l'Etat-Major des Forces de Défense Nationale, feu Christophe AGOSSA. Mais malgré toutes ces horreurs le peuple béninois a relevé le défi avec honneur et dignité, guidé par ses organisations de lutte tant de l'étranger que sur le sol national. Ces organisations ont pour noms : le Parti Communiste du Dahomey (PCD), le Front Démocratique Anti-Impérialiste du Bénin (FDAIB), le Comité des femmes et parents de détenus politiques, le Comité d'Action des Etudiants (CAE), le Comité d'Action des Finances et du Plan (CAPF), les CACO, les COPATCO et le COGELEB (Toutes membres de la convention du peuple), les syndicats autonomes de travailleurs, SNES, SYNAPLASTA, SYNEMBTP, etc...

Ces organisations sont soutenues à l'extérieur par le Comité Culturel pour la Démocratie au Bénin (CCDB) en France, le Comité pour les Droits de l'Homme et la Protection de l'Environnement (CDHPE) au Nigéria, le Comité de Soutien au CSN en Côte-d'Ivoire.

Un hommage particulier doit être rendu aux organisations comme AMNESTY INTERNATIONAL, le Comité International de la Croix Rouge (CICR), la Fédération International des Droits de l'Homme (FIDH), différentes sections européennes de l'Action Chrétienne pour l'Abolition de la Torture (ACAT), la Commission Européenne des Droits de l'Homme, pour leurs contributions inestimables tant sur le plan matériel que moral, et à beaucoup d'autres organisations telles que le CIMADE, le MRAP qui n'ont pas ménagé eux aussi leurs efforts dans cette lutte du peuple béninois.

2. Voyons à présent ce qui a pu générer toutes ces atrocités.

A ce propos nous répondrons en disant que la source permanente des atteintes aux droits de l'homme réside dans le fait que la majorité est exclue de la jouissance des biens nationaux. Une trop grande inégalité dans l'accès à ces biens communs amène les laissés-pour-compte à la révolte et les privilégiés à user de la violence pour maintenir leurs privilèges.

"Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l'existence", a dit Léon BLUM. Assurer au citoyen son existence, c'est lui assurer entre autre chose le droit à l'instruction, à un emploi digne, à la santé. Ces droits de l'homme désormais reconnus et codifiés à l'échelle mondiale par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme en 1948, laquelle est intégrée à la Charte Internationale des Droits de l'Homme entrée en vigueur en 1976, constituent un progrès immense de l'espèce humaine.

On ne saurait se proclamer défenseur des droits de l'homme si par des mesures légales ou extra- légales, on empêche la jeune génération d'accéder à l'instruction ou à l'emploi, si on prive certains - qui l'avaient - de la jouissance de ces droits. Les hommes ont besoin non de charité mais de justice, ce qui implique le devoir de tout Etat de droit à l'assurer entre tous les hommes.

C'est contre toutes ces violations des droits de l'homme que le peuple béninois doit se dresser. Tout cela est intolérable et ne doit plus jamais se produire dans notre pays.

Nous devons sensibiliser toutes personnes (physiques ou morales), toutes organisations (béninoises ou étrangères), tous individus soucieux du respect de la vie humaine et les exhorter à exiger une justice exemplaire et des peines appropriés pour tous les tortionnaires de ce pays, conformément aux dispositions légales reconnues par la Communauté Internationale.

Nous devons exiger qu'une juste réparation soit accordée à toutes les victimes de ce régime barbare et scélérat, ainsi qu'aux ayant droit de tous disparus.

Tous les citoyens doivent se mobiliser pour le triomphe de la justice, pour le respect scrupuleux des droits de l'homme, pour la garantie de l'exercice effectif des libertés démocratiques.

Aujourd'hui, comme hier, nous devons nous mobiliser pour exiger le respect de nos droits fondamentaux.

Face à toutes les tentatives d'intimidation, face aux déclarations musclées et aux menaces à peine voilées, proférées ça et là contre les travailleurs, tous les citoyens doivent continuer à défendre leurs droits en faisant leur cette pensée de F. LEHANNAIS qui dit :

"LA LIBERTE EST LE PAIN QUE LES PEUPLES DOIVENT GAGNER A LA SUEUR DE LEUR FRONT".


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