Arrestation : 4/ 01/ 1990
Libération : 22/ 01/ 1990
Centre de détention : Compagnie de Lokossa.
1ère Arrestation
c'était le lundi 30 février 1985 à Aplahoué. J'étais dans mon établissement quand les gendarmes étaient venus me chercher pour la brigade. Immédiatement, je fus transféré à la compagnie à Lokossa où j'avais passé la nuit sans nourriture ni matériel de couchette. Le lendemain matin, direction PCO après des formalités au petit palais. Dans une des cellules du PCO où j'étais gardé nous étions au nombre de 54 pour une dimension de 4m sur 4. Là, j'ai passé la nuit, le lendemain matin nous avons pris le chemin de Parakou. J'étais gardé au camp Séro-Kpéra mais cette fois-ci, sans torture physique mais morale où je fus libéré le samedi 1er mars 1985. Mais les autorités ne se sont pas occupées de mon retour de Parakou à Aplahoué. Je m'étais débrouillé en ville pour revenir.
Pour nous libérer on nous a fait payer les frais de notre entretien lors de la détention. Ces frais s'élevaient à 500 F par jour. Cette somme soit un total de 12.000 F devrait être versée au petit palais ou envoyé par mandat au camp Séro-Kpéra sinon on nous intimidait de revenir nous chercher. Arrivé à Cotonou, mes parents m'ont aidé à aller payer les 12.000 F au petit palais contre un reçu manuscrit mais signé à l'anonymat. Quelle déception! Voilà encore une escroquerie.
2ème Arrestation
Après mon élection comme Maire de la commune Urbaine de DJAKOTOMEY par l'Assemblée générale de la population de ladite commune, je fus arrêté en pleine circulation à AZOVE le 04 Janvier 1990 par BA-AGA Daouda C.D d'Aplahoué en connivence avec la brigade dudit district.
Le même jour, enchaîné avec mes camarades, le nommé AVONDJESSE Charles, je fus transféré à la Compagnie à Lokossa. Le même soir, après nous avoir mouillés mais toujours enchaînés, c'est le rodéo militaire dirigé par HOUNYO C. Firmin maréchal des logis chef (Chef peloton de la Compagnie). Les mouvements excessifs auxquels nous étions soumis à coups de matraques et de lanières ne nous ont plus permis de continuer à exécuter les ordres. C'est maintenant que commencent les tortures -les coups de matraques pleuvaient sur mon dos, la lanière était additive jusqu'au moment où je m'affaissai. HOUNYO disait que je faisais le singe, me laissa, alla vers d'autres camarades avant de revenir vers moi. Déjà j'avais retrouvé un peu le souffle. Il recommença sa bastonnade quand le CB de DJAKTOMEY en la personne BRAHI Julien me disait en ton moqueur : "ce petit DJOKO ! Tu me connais, J'ai des enfants qui ont la maîtrise te qui te dépassent. Tu me gênes beaucoup, je n'ai même plus envie de te revoir". Après ça, il donna l'ordre à HOUNYO de continuer sa bastonnade -Je ne pouvais plus supporter, il me laissa- Tout crotté, trempé, affamé, nous nous étions couchés toujours menottés avec refus catégorique de nous mettre en contact avec qui que ce soit et de satisfaire nos besoins (aller à la selle -uriner-). Quand nous rejoignîmes notre cellule, il y avait deux détenus de droit commun qui pleuraient à cause de la manière dont nous étions torturés. Sans traitement et nourriture jusqu'au lendemain vers 16 H, le même manège se produisit, nous étions tous assis dans notre cellule quand HOUNYO est rentré avec sa lanière en main. Son slogan était "Debout! au robinet!" déjà avec des coups de matraques et de lanières. Au robinet, nous étions proprement mouillés et la même scène que la veille se produisit et cette fois jusqu'à la tombée de la nuit. Face à cette dernière torture, des passants étaient attroupés au portail de la Compagnie et huaient le nommé HOUNYO qui faisait le zélé. Par ailleurs, il faut noter que durant ma détention, j'ai fait d'abord 10 jours sans me laver et je me suis lavé 3 fois avant ma libération le 22 Janvier 1990. Lors de la détention assez de torture morales ont été également enregistrées : Dovi, CD Dogbo était venu me voir dans ma cellule pour me dire que je suis en train de salir la corporation car je suis incapable d'analyse et me mêle à des affaires qui ne me concernent pas.
Certains gendarmes du genre HOUNYO Firmin 1er tortionnaire disaient que c'est bien fait pour moi d'avoir abandonné ma famille et de me retrouver seul ici. Ils poursuivent de dire que ceux qui faisaient les plus actifs avec moi, s'ils sont présents pour partager mes douleurs, Surtout HOUNYO en nous torturant disait que nous pouvons écrire au PCD, Amnesty International à qui nous voulons mais que nous ne pouvons rien.
Aucune nourriture ne nous a été octroyée (donnée) durant toute la détention.
N.B : Le 18 Janvier 1990 au matin, nous étions dans notre cellule quand le Capitaine de la Compagnie M. BANKOLE était venu me dire de m'habiller sans me notifier la destination. Nus nous étions montés à bord d'une 504 avec deux gendarmes. Où allions-nous, Personne ne voulait me répondre. Je m'étais tû et ils ont pris la direction de Cotonou. Arrivé à Cotonou nous nous étions dirigés à la direction de la douane après une formalité au MISPAT. Le capitaine me laissa à l'entrée de la salle de conférence avec mes deux gardes et ouvrit la porte, entra dans la salle où était les ministres chargés de l'application du Programme d'Ajustement Structurel en séance de travail avec les représentants des travailleurs (CA, B.L, Syndicats, etc). Dans la salle, je ne savais pas ce qui se passait. Le capitaine revenait me chercher sur l'ordre des ministres. Arrivé devant ces derniers, un des ministres m'intima l'ordre de monter au podium et d'expliquer les raisons pour lesquelles on m'avait arrêté. Et c'est par mon dynamisme que j'avais pu m'en sortir sans m'être inquiété ni intimidé.
Date déarrestation : 19 Février 1988
Date de libération : 03 Septembre 1989
Centre de détention : Petit Palais Cotonou, Camp SERO KPERA Parakou, Prison Civile Ségbana
Contraint à la clandestinité en Novembre 1985, je fus arrêté le 19 Février 1988 aux environs de 22 heures. Mais avant ce jour fatidique, de graves événements s' étaient déroulés à mon insu.
En effet, le 16 Février 1988, une horde de soldats armés jusqu' aux dents, dirigés par le Petit Palais, fit irruption dans le quartier Zogbo, dans la maison de location d' un frère et ami Benoît HOUESSOU,soudeur. Tout le quartier fut mis en état d' alerte. Tous les habitants de la maison furent sortis sur la cour avec bagages. Les soldats procédèrent à des fouilles minutieuses accompagnées de menaces, de cris hystériques et de brimades.
Benoît HOUESSOU, sa femme, son enfant et son propriétaire furent emportés. Lepremier subira quelques instants après des tortures inhumaines. On lui demandait d' indiquer ma planque. N' ayant pas eu satisfaction, la flicaille organisa, cette nuit là même, une chasse systématique. Il était déjà plus d' une heure du matin; Ils allèrent tour à tour arrêter :
1- Ma grande soeur Séhidé KINHOUNHO à Akpakpa, après l' avoir manquée à Agla et Godomey.
2- Ma grande soeur madame Agnès GNANCADJA et son mari Vincent GNANCADJA à Gbèdjromèdé.
3- Mon oncle Elie KINHOUNHO, ses enfants Abel, Suzanne, Epiphane, clair, sa femme Aïnon COVENOU ainsi que tous les locataires de la maison.
Un voisin qui passa sa tête par dessus sa clôture, cherchant à savoir ce qui se passait fut appréhendé.
Partout où la horde est passée, elle a mis en émoi tout le monde, fracassé des portes, brutalisé de paisibles habitants déjà endormis, procédé à des fouilles grossières (lit démonté, matelas défoncé, fauteuils jetés pêle-mêle...).
Le lendemain 17 Février, les locataires furent relâchés sans excuses ainsi que la femme et l' enfant de Benoît. Mes parents, une dizaine, furent gardés. Ils subiront des interrogatoires musclés du 17 au 19 Février au soir. Mes deux grandes soeurs eurent le visage et tout le corps boursouflés par des gifles, des coups de poing, des coups de bottes.
Mon oncle, âgé de 65 ans, qui a eu le "tort" de déclarer qu' il ne me connaît pas, a subi les pires traitements : bastonnades à coups de lanière en cuir, coups de bottes. Il a reçu un coup au front qui fit une grosse bosse. Il fut jeté dans un coin sans soin. Il ne se remettra jamais de ces traitements. Il s' éteindra un an après jour pour jour, le 16 Février 1989.
Le jour même de son arrestation, ma soeur Agnès perdit sa maman (ma belle-soeur). Elle se verra refuser l' autorisation d' aller l' inhumer.
Profession : Technicien travaux publics
Demeurant à Parakou
Date d'arrestation : 26 septembre 1985
Date de libération : 1er septembre 1989
Centres de détention : Prison civile de Ségbana
Revenu d'une tournée sur la route de TCHAOUROU, tout fatigué car depuis le matin très tôt, nous étions au travail. Vers le soir, je rentrai. A peine assis dans mon salon, un monsieur fit brutalement son entrée sans taper à la porte. Il s'assit et déclara : "Bonjour, Eustache, j'ai un problème que je veux que tu résolves". Je lui répondis que ce n'est pas moi Eustache, quand un instituteur cohabitant m'interpella dans la cour, ce qui confirma au monsieur que c'était réellement moi.
Il dit de l'accompagner au portail qu'il va rentrer et revenir plus tard. A peine nous arrivons quand il fit appel à des gens qui étaient cachés dans l'obscurité dont un au volant. Ceux-là accoururent vers nous armés. J'ai compris aussitôt que j'étais ainsi arrêté.
BABALAO Alexis et le Sergent AGBLO me poussèrent dans le véhicule que conduisait le Commissaire CHABI. A peine assis, encadré par deux soldats (BOSSOU et AHOUANDOGBO) j'aperçus deux autres véhicules devant moi : il s'agit du véhicule personnel du Commandant Clément ZINZINDOHOUE, une 504 couleur bleue que conduisait BABALAO et une bâchée qui servait de liaison pour le service des renseignements de la Province du Borgou, véhicule que conduisait l'Adjudant responsable dudit service.
Nous avions fait le tour du quartier à peine que nous retournons pour une perquisition. Il y avait le commissaire CHABI, le Sergent AGBLO, le Lieutenant BABALAO , deux soldats BOSSOU et AHOUANDGBO et l'adjudant responsable du service de renseignements de la Province du Borgou.
Dans la maison, tortures morales, menaces, si je ne donnais pas les documents et la machine qui servait à ronéotyper les tracts du PCD.
Après ceci, je devais être conduit au Camp chez le Commandant Clément ZINZINDOHOUE à domicile. Mais il n'était pas présent. Ils m'avaient renvoyé au Poste de police où je fus enfermé dans une cellule. Quelques heures plus tard, ils revinrent me chercher et m'emmenèrent au bureau du Commandant. Enfin le bourreau lui-même était cette fois-ci présent.
Il m'assaillit d'énormes questions et ordonna de lui apporter toutes les bouteilles de boissons qui se trouvaient sur son guéridon. Ce qui fut fait. Il me demanda de boire ce que je veux, que tout ira bien. Je refusai. C'est alors qu'il ordonna au commissaire CHABI, le lieutenant BABALAO et le sergent AGBLO de poser toutes les questions sur une feuille et de me remettre la feuille de papier et un bic pour répondre le lendemain.
Après cela, je fus gardé dans un bureau au poste de commandement. Le lendemain matin à 8 heures, le Commandant demanda à un soldat de me prendre les réponses. A peine avait-il vu le papier tout vierge qu'il intima l'ordre de me sortir et demanda à la garde de passer au rodéo 1er degré.
Ce fut le sergent BIAOU qui dirigea l'opération. Il me demanda de me déshabiller, je devrais ramper, rouler et marcher sur les genoux, les mains à la nuque sur l'ordre du sergent BIAOU. Ceci, du poste de commandement au terrain de sport du Camp, puis de ce lieu à l'ordinaire (appellation donnée à la cuisine des militaires). Là je fus plongé dans un puits. Ce puits contenait les déchets issus de l'ordinaire, des vers et des crapauds. Au fond du puits existait une boue qui vous retient comme si on y était enterré.
L'eau contenue dans le puits est puante. Ce puits se situe sous des manguiers et se trouve sans couvercle. Les feuilles qui y tombent se décomposent, ce qui rend verdâtre l'eau. Après cette épreuve, je continuais par rouler, ramper et marcher sur les genoux, tout ceci, avec des coups de lanière au dos.
L'opération a duré de 8 heures à 10 heures 30. Un photographe apparaît pour me prendre une vue, pour constitution d'un dossier. Il m'était difficile de m'habiller. Il faisait très très chaud. BABALAO demanda à BOSSOU d'apporter du piment à mettre dans les plaies parce qu'il estimait que c'est nous qui versons de l'acide sur les gens. L'ordinaire n'ayant pas pu leur fournir du piment, c'est l'alcool à brûler qu'il demanda à l'infirmier de mettre dans les plaies. Ce dernier devra s'approcher de moi pour me verser de l'alcool à brûler dans les plaies.
Tout mon corps était couvert de sang. Tout mon dos reste lacéré de cicatrices de lanières jusqu'à ce jour. Coudes, genoux, orteils et doigts étaient en sang car certains endroits avaient laissé leur peau sur les cailloux du camp. Sans soins, je fus jeté dans une cellule qu'ils avaient fait garder par un soldat en armes. Ce n'est que vers 22 heures que BABALAO et l'adjudant responsable des services de renseignements devaient venir me chercher et m'amener au poste de police où BABALAO intima l'ordre aux soldats de me taper à mort.
C'est alors que ces derniers se mirent au travail. Mais cette fois-ci avec bâtons et crosses de fusil. Je reçus des coups de crosse dans les côtes, ce qui m'avait amené à perdre connaissance. Plus tard dans la nuit je me réveillai et vis autour de moi BABALAO, l'adjudant, certains soldats et l'infirmier de garde. BABALAO se dépêcha de me poser des questions : "Comment ça va ?" J'avais senti de l'huile sur mon corps, sur les côtes, dont l'infirmier se servait pour me masser. Après cela je ne pus porter ni chemise ni chaussures à cause de plaies.
Après l'arrivée de GOMINA Fousséni, le 7 octobre 1985, les questionnaires reprirent. Tortures morales et sévices sont souvent l'oeuvre des tortionnaires.
Le 14 octobre 1985, ce fut la troisième fois que je devais subir un rodéo avec deux autres détenus MONSIA et DOSSOU. Ceci dans la nuit profonde. Ce fut le dernier tour de rodéo. Il faudra dire qu'après une semaine de plongée de mon corps dans ce puits, je portais des séries d'abcès sur mon corps. Mais j'étais interdit de soins jusqu'à notre départ sur Ségbana le 6 novembre 1985, jour d'ouverture de cette prison.
Tout ceci sans inculpation ni jugement. Ensuite je constatai après une prise de tension que je souffrais de la chute de tension artérielle. Plus tard, je commençai par sentir une baisse de la vue. Pendant longtemps, le Président de la Commission Clément ZINZINDOHOUE refusa de déplacer les malades pour les soins. Ce n'est que par nos luttes que le Ministre de l'Intérieur Edouard ZODOHOUGAN fit son apparition à Ségbana pour s'enquérir des faits. Ce n'est qu'après ça que nous fûmes déplacés une seconde fois vers BEMBEREKE pour soins. Mais l'ophtalmologiste n'y était pas. Nous revinmes à Kandi où un ophtalmologue chinois nous avait examinés et inscrits dans le carnet. Mais aucun soin ne nous a été proprement donnés. Nous avons revendiqué d'aller dans les centres les plus spécialisés dans chaque cas. C'est alors que sur l'accord du nouveau Président de la Commission, le commissaire ATTAKPA, nous fûmes amenés à Parakou où nous avons été traités.
Jusqu'ici, je ne me sens pas bien. Le mal des yeux continue. Bilan des maladies contractées au cours de cette détention : cicatrices indélébiles sur le corps, envahissement périodique des abcès, chute de tension artérielle, maux d'yeux.
Faute de moyens, j'ai stoppé d'abord les soins. Au retour de la prison, tous mes biens ont été dilapidés.
Motif : affaire tract
Arrêté en cours de route pour port et diffusion de tracts le jeudi 5 mai 1988 au petit matin alors que je me rendais au service, j'ai été conduit manu militari à la brigade de la gendarmerie de cette localité. Menotté pieds et mains liés, je fus jeté au violon en slip d'où je devais sortir peu après l'arrivée du Commandant de la Brigade. Ce dernier recommanda, à ma vue, à ses agents de me lier les pieds avec la menotte et de passer au "baptême). Il revenait à chacun des agents (au nombre de 5 à ce moment) de me servir 20 fessées et 15 coups dans chaque main. Pendant que chacun d'eux exécutait l'ordre du chef, un agent se tenait à côté, cravache en main qu'il utilisait pour me frapper toutes les fois que je rate un coup.
Malgré que mes fesses et cuisses saignaient, les bourreaux n'ont pas cru devoir arrêter le "baptême" jusqu'au moment où arriva le sixième agent. Celui-ci reçut l'ordre du chef de me tabasser comme ses voisins. Ne pouvant pas refuser d'exécuter l'ordre du patron, il passa à l'action mais se rendit compte que cela constitue pour lui un danger à vouloir continuer cette sale besogne. Il jeta la matraque sous prétexte qu'il a mal au poignet.
Non content de me voir, pas en train de les supplier, mais plutôt en train de les narguer, le chef de brigade arriva en personne à l'assaut non pas avec la matraque mais plutôt la crosse de son A.K.M. qu'il utilisa pour me cogner la tête, le corps et surtout les articulations. Il a estimé que c'est parce que je suis mal rodé que j'ai encore le souffle et le courage de parler, de ne pas dire la vérité. Il faut qu'il m'arrache à tout prix la vérité, des aveux et ceci en usant de tous les moyens. C'est à croire que la crosse et la matraque n'ont pas suffi pour m'achever. Il s'est mis à se servir des coups de poing pour me cogner les joues et le visage. Il n'a eu de frein à cette opération que quand le sang a commencé par couler abondamment de ma bouche. La prothèse dentaire que je portais a été brisée sous l'effet du choc provoqué par les coups de poing occasionnant ainsi des blessures au niveau de mes gencives et des lèvres. C'est après ce premier tour que le CB constitua l'équipe chargée de me suivre à mon domicile pour la perquisition. De la brigade à la maison j'ai circulé en slip à travers la ville de Kétou sur environ 3 km, menotte, les bras au dos, suivi de deux flics armés.
Au retour de mon domicile, commença l'interrogatoire proprement dit suivi à nouveau de bastonnade. C'est après cet interrogatoire que je fus embarqué pour la brigade territoriale de Porto Novo sous la direction du CB lui-même.
Un second interrogatoire eut lieu à Porto Novo conduit par le CB de Kétou et deux agents en poste à la brigade territoriale et ceci dans une condition beaucoup plus draconienne. Après quoi, je fus enfermé seul dans un container de 13 heures à 20 heures 45 environ toujours menotté. C'est dans ces conditions que j'ai passé la nuit jusqu'au lendemain matin où vers 11 heures nous levâmes le cap sur Cotonou. Deux mini cars contenant chacun six gendarmes étaient apprêtés pour la circonstance. Tout porte à croire que c'est une autorité d'Etat qui se déplaçait, tellement la sirène de ces véhicules sifflait sans interruption faisant ainsi dégager la voie par tous les usagers de la route.
Arrivé à Cotonou, c'est à la Sûreté Urbaine que j'ai été gardé pendant une semaine au violon baptisé V3. Durant cette période, toute visite m'était interdite. Je n'ai pas pu faire la toilette une seule fois au dehors car j'étais considéré comme un élément dangereux par tous. J'ai subi dans cette période un interrogatoire conduit par deux agents du petit palais suivi de toutes les intimidations possibles.
Le vendredi 13 mai, à environ 5 heures du matin, la police vint me sortir du violon pour une destination inconnue. A la question de savoir où on me conduit, le policier rétorqua en ces termes : "Tu le sauras quand tu arriveras à destination". Peu après, c'est au petit palais que l'on arriva : on embarqua deux autres détenus à bord du véhicule et on nous conduisit à l'Aéroport militaire où attendait déjà le coucou qui rallie Cotonou à Parakou. Quelque temps après, l'ex Directeur du petit palais vint nous rejoindre. Il s'agit du capitaine GOMINA. Malgré qu'il y ait des passagers en route pour Parakou ou Natitingou et voulant payer les frais de transport, GOMINA exigea que ses trois colis (en nous désignant) soient embarqués avant tout voyageur.
Nous voici quelques heures de vol à l'Aéroport de Parakou où nous attendaient déjà un véhicule et des militaires tous armés. Aussitôt descendus du petit appareil, nous fûmes accueillis par le véhicule militaire qui nous a conduits au camp où se situe le siège de la CNPESE.
Ici c'est un monde nouveau. La vie est invivable : c'est des intimidations à longueur de journée. Je n'ai pas eu à subir des tortures physiques mais c'est pire que des bastonnades, à chaque coup de téléphone, on vient me chercher pour la CNPESE pour plancher. On profère à notre endroit des menaces de rodéo mouillé à tout instant. Les artisans de ces intimidations ont pour nom ZINZINDOHO Clément, BABALAO Alexis, AGONKAN et autre YABARA. Je vivais dans la crainte perpétuelle d'être rodé au cours des interrogatoires. Et chaque fois que le téléphone sonne, on est troublé croyant qu'on va nous inviter devant la commission pour interrogatoire car c'est ce moyen qui est souvent usité par eux. Moralement on est abattu si bien qu'on arrive même pas à manger.
Il est à noter que l'alimentation est très défectueuse et insignifiante. C'est à croire que c'est aux animaux qu'on donne à manger.
Nos lettres sont le plus souvent détournées ou purement déchirées ; pas de soins adéquats quand on est malade. Pour se faire soigner correctement, toutes les charges reposent sur les parents et mais qui subissent de la part des autorités pénitencières toutes sortes d'intimidations quand ils nous rendent visite.
Voilà ainsi décrit les tortures physiques et morales que nous avons subies pendant 16 mois après mon arrestation à Kétou par NATA Jacques, chef de la brigade de cette localité. J'ajouterai que depuis mon arrestation, mon salaire a été suspendu et jusqu'à présent ma situation administrative et financière reste bloquée.
Ces pratiques que j'ai vécues ont eu cours sous le régime autocratique du Président général Mathieu Kérékou. Les artisans de tels actes barbares et ignobles ne sauraient rester impunis. Pour cela, que justice soit faite.
Date d'arrestation : 6 mars 1989
Date de libération : 29 août 1989
J'étais en conversation avec le capitaine Dieudonné ZODJI qui m'avait rendu visite ce dimanche 5 mars 89 vers 19 heures 45, quand on a entendu des détonations d'arme moderne. J'ai demandé au Capitaine de quoi il s'agissait, il a dit que c'était une arme traditionnelle. Il s'est levé et est parti à une vitesse étonnante. Les habitants du quartier ont commencé par siffler avec des cris de "Olé ! Olé !" Je suis sorti de la maison avec mon sifflet, je me suis mis à siffler, comme les autres.
Arrivé devant mon portail, j'ai vu deux hommes qui m'ont intimé l'ordre de ne pas bouger, je ne me suis pas occupé d'eux, j'ai poursuivi mon chemin en sifflant.
Arrivé au niveau de la maison de mon voisin Monsieur Joseph BOCO, j'ai vu la femme du jeune BOCO Crépin en train de se rouler par terre et pleurant à chaudes larmes. J'ai poursuivi mon chemin jusqu'à la devanture de la maison de Monsieur KAKPO, ce dernier était armé d'un coupe-coupe et voulait aller prévenir le Chef de brigade de CALAVI.
Je me suis informé auprès de sa femme, elle m'a dit que les voleurs on tiré sur le jeune BOCO Crépin. Je suis reparti chez moi.
Nous étions là quand j'ai entendu mon portail s'ouvrir, un homme de haute taille s'était introduit dans ma maison, il était en tenue de sport et a demandé à haute voix qui s'appelle FANOU Simon, ici. Je suis sorti rapidement de mon salon pour aller le rejoindre dans la cour. Sans attendre ce qu'il allait me dire, j'ai poursuivi mon chemin vers ma devanture.
A ma grande surprise, il y avait devant ma maison, presque tous les habitants de mon quartier et des inconnus armés, ils étaient au nombre d'une quinzaine en tenue civile, un monsieur en boubou avait un poste émetteur et demandait du renfort.
La personne de haute taille a commencé par me présenter aux personnes attroupées dans ma maison. Je le cite "Voilà, c'est chez ce vil individu qu'on venait, car il est anti-révolutionnaire, il complote avec KOUSSEY Noel. Noël est le Président de l'Assemblée de la Convention du Peuple. Ils veulent renverser notre gouvernement révolutionnaire, le nom de travail de Noël est Issa. Simon même s'appelle Olivier. Ils doivent se réunir ce soir chez lui sous la direction de KOUSSEY, mais comme ce dernier est malin, il a senti que le quartier était miné, il a éteint le phare de sa mobylette et puis nous avons perdu ses traces. Noël KOUSSEY dont je parle est mon cousin, cela fait des années que nous le cherchons et ce vil individu l'héberge chez lui. Donc nous sommes venus pour arrêter Noël et lui. Mais malheureusement les jeunes du quartier nous ont pris pour des voleurs. Un jeune homme nous a agressé avec une grosse clé, mes gars ne pouvaient pas rester sans se défendre, ils se sont servis de leurs armes. Nous avons eu des blessés, un jeune homme a reçu des balles. Voilà pourquoi nous sommes venus dans votre quartier".
J'ai pris la parole pour demander s'il a un mandat d'arrêt, il a repris pour dire qu'il n'a pas besoin d'aller déranger le Procureur pour prendre un mandat d'arrêt, il a fini par dire qu'ils iront perquisitionner chez moi. J'ai demandé s'il a un mandat de perquisition, il me dit "tu ne sais pas encore ce qui t'attend".
Malgré cela, j'ai demandé à ce que le Président de notre association de Développement de District (ADD), son Secrétaire et le responsable à la sécurité du pouvoir assistent à la perquisition, car ils peuvent glisser des documents compromettants chez moi à mon insu. Durant tout ce temps, j'étais plaqué contre le mur entre deux militaires, leurs AKM étaient braqués sur moi.
Je n'avais pas peur ; l'homme à haute taille aussi avait un poste émetteur et demandait du renfort. Nous étions là quand un gros camion miliaire bourré de militaires en tenue est arrivé. Le responsable a demandé à ce qu'on évacue les blessés, dont BOCO Crépin au dispensaire du Camp.
Après avoir donné l'ordre d'évacuer les blessés, le Chef a demandé qu'on lui remette une somme pour acheter du Sérum antitétanique tétanique pour BOCO Crépin. Le Président lui a remis une somme, les habitants du quartier voulaient amener nos blessés mais les militaires ont refusé de nous laisser les deux blessés dont un grave.
C'est après le départ des blessés que le chef a demandé qu'on rentre chez moi pour perquisitionner. Je les ai suivi, la perquisition avait commencé vers 21 heures et prit fin à 23 heures 30, mon salon et mes chambres à coucher ont été perquisitionnés.
J'avais un petit lot de tracts et journaux dans ma chambre qu'ils ont pris, c'était une victoire pour eux. Dans mon placard, ils ont trouvé une veste treillis que j'avais depuis des années, l'homme géant a dit que j'étais de la branche armée du PCD, j'ai rejeté cette accusation et il s'est jeté sur moi et m'a giflé deux fois dans ma chambre. Après avoir fini la perquisition, ils m'ont demandé trois feuilles pour relever les différents tracts qu'ils ont trouvés chez moi.
Ils me demandent de les suivre ainsi que ma femme. (Je signale que ma femme avait subi une opération chirurgicale deux mois avant son arrestation).
Arrivés devant le gros camion militaire, ils ont intimé l'ordre à ma femme de monter par les pneus du camion, j'ai riposté pour dire qu'elle venait de subir une opération chirurgicale et que les plaies n'étaient pas cicatrisées. Ces brutes n'ont pas voulu m'écouter. Arrivés au Palais de la République, ils nous ont dit de descendre. J'ai dit à ma femme de ne pas descendre.
On m'a remis six feuilles pour recopier de nouveau le nombre de tracts qu'ils ont saisis chez moi, ainsi que l'adresse de mon tuteur. Je recopiais les choses quand de derrière, le Capitaine me donna un bon coup de poing sur la joue gauche, en disant "ces imbéciles qui nous empêchent de dormir".
Après avoir fini de recopier, il me dit de remonter dans le camion, il donne l'ordre au chauffeur de nous conduire au Camp PLM. J'ai su que l'homme géant avait le grade de Capitaine.
Une dizaine de militaires en tenue ont pris place à côté de nous sans compter ceux en tenue civile, le camion s'est ébranlé vers l'ancien pont, direction PLM.
Nous sommes arrivés au PLM vers 0 heures 45 minutes au moment où ma femme descendait du camion, une partie de l'opération s'est ouverte et elle a commencé à saigner.
Les militaires nous ont introduits au poste de police. Le chef de poste nous a inscrits dans un cahier, ainsi que l'adresse de nos parents. L'homme en boubou qui demandait du renfort avait le grade d'Adjudant chef, car quelqu'un avait dit "oui mon Adjudant chef" quand il lui a dit de m'ouvrir ma cellule. Il y avait dans le poste de police au moins une dizaine de personnes couchées, toutes ces personnes n'étaient que des détenus politiques.
Trois militaires m'ont accompagné vers ma cellule, deux avaient leurs AKM, le troisième m'a ouvert la porte et me dit de rentrer, j'ai laissé ma femme au poste de police. Il y avait dans la cellule un jeune et un vieux. Le jeune m'a accueilli en m'indiquant un lit qui était libre.
Je me suis installé au premier étage. Durant toute la nuit, je n'ai pas fermé l'oeil. Je pensais à ma femme et aux enfants. Il faisait très très chaud, un instant après, quatre détenus nous ont rejoint dans notre cellule, j'ai su après qu'ils étaient des privilégiés par rapport aux autres. Ils allaient rester au poste de police jusqu'à 0 heures ou 1 heure du matin avant de rentrer dans le four.
A leur arrivée, ils m'ont demandé pourquoi j'étais arrêté, je leur ai raconté brièvement l'histoire, ils étaient tous apparemment indignés sauf un, c'est après que j'ai su qu'il s'appelait BADOU Benjamin, un responsable du Ministère du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme.
La journée tardait à venir. Vers 7 heures du matin, je vois notre porte s'ouvrir, un agent m'a demandé de sortir, c'était le lundi 6 mars 1989. J'ai mis mon pantalon et ma chemise, il m'a remis un balai métallique et m'a dit : "Tu vas balayer tout le camp jusqu'à la devanture du camp".
J'ai voulu refuser mais finalement j'ai accepté, après l'avoir fixé méchamment durant quelques secondes. L'agent s'est mis à crier sur moi. Je me suis mis à balayer de 7 heures 15 à 10 heures 30. J'étais fatigué mais la torture continuait, j'ai balayé tout le camp jusqu'à la devanture du camp.
Après, il m'a dit que je pouvais aller me laver. Ce que j'ai fait ; l'agent criait sur moi et me demandait de sortir de la douche ; un autre agent l'encourageait en appelant son nom de guerre : "ELE BABA" ou bien "KPEHOUNCEKE". Lui-même répondait pour dire "je suis là, il ne faut pas avoir peur, ces petits là veulent prendre le pouvoir !"
Quand je suis sorti, j'ai remarqué deux agents derrière la douche avec leurs AKM. Ils m'ont conduit devant la cellule. Les quatre détenus ont regagné le poste de police, il ne restait que le vieux et le jeune dans la cellule.
A 11 heures 15, la porte s'ouvre et on me dit de m'habiller et de les suivre. Ils m'ont amené devant un chef, il faisait partie de ceux qui étaient chez moi pour m'arrêter. Il s'agissait de ma première audition.
L'agent avait le grade d'Adjudant chef, il m'a mis à l'aise et m'a dit : "Tu me dis la vérité et je te libère". Il me remet un questionnaire en dix points.
1- A quelle organisation du PCD appartiens-tu ? Quel est ton rôle dans l'organisation, organisateur etc...? Où se trouvent les planques des camarades responsables ? Où se trouvent les archives, les machines à écrire, à ronéotyper ? J'ai nié en bloc, il a essayé de me baratiner, à propos des tracts trouvés chez moi, j'ai dit que je les avais ramassés au carrefour de Saint Michel.
L'audition a duré jusqu'à 13 heures 30. A 14 heures, la porte s'ouvre, un agent de 1ère classe m'appelle : "FANOU, habilles-toi et sors". Il m'a conduit au poste de police ; à ma grande surprise, j'ai vu ma femme qui m'a apporté de la nourriture. J'avais à peine une minute pour prendre les nourritures, et une minute pour transvaser dans la cellule. Refus de parler à ma femme.
Un agent au nom de GODONOU me pousse et me dit de sortir, il m'a aussitôt enfermé à 14 heures 5. Et ce n'est qu'à 16 heures qu'un agent est venu ouvrir la porte et a dit à ADOTE Roger de sortir pour faire la corvée. A 17 heures 5 , une autre équipe est arrivée. Je rappelle que de 14 heures à 17 heures 30, il faisait une chaleur terrible, je transpirais. Notre cellule a une grande fenêtre faite en châssis de "naco". C'était un bureau qu'ils ont transformé en cellule. Les tortionnaires ont fermé la fenêtre avec des matelas en mousse et de grosses caisses, tout ceci pour nous empêcher d'avoir de l'air à l'intérieur. C'est une porte en persienne que nous avons. De temps en temps chacun se met devant la porte pour se rafraîchir la poitrine.
A 18 heures 30, un agent est venu pour nous ouvrir et Roger et le vieux se sont levés, je les ai suivis. Nous nous sommes douchés, à peine fini, on nous enferme de nouveau dans notre cellule. J'ai su les noms des six autres détenus qui restent dans la journée au poste de police.
A 20 heures, je suis descendu de mon lit pour manger les deux boules d'akassa qui me restaient. Je suis remonté sur mon lit et je n'ai pas fermé l'oeil durant toute la nuit. La journée du 7 mars 1989 a commencé par la corvée, cette fois-ci, c'est Roger ADOTE qui est parti.
A 7 heures 30, un agent de 1ère classe est venu ouvrir pour nous demander d'aller à la douche, accompagnés de deux agents bien armés. J'allais à la douche quand un agent qui faisait partie de ceux qui m'ont arrêté me dit : "Voilà celui qui veut être Président de l'Assemblée, il a failli nous tuer hier". Je ne lui ai rien dit et ai continué mon chemin vers la douche.
L'agent a commencé par s'agiter et m'a menacé, il m'a même interdit la douche, et rapidement m'a enfermé dans notre cellule. Vers 11 heures, j'avais envie d'aller à la selle, j'ai tapé à la porte plusieurs fois, un agent qui passait dont j'ignore le nom demande avec un ton moqueur ce qu'il y a , je lui ai dit que je voulais aller au W-C. Il me dit : "Tu peux faire caca dedans". Je ne savais que faire.
A 16 heures 30, notre porte s'ouvre de nouveau, un agent du nom de Hyacinthe me dit de m'habiller et de sortir ; il m'a conduit dans le bureau de l'Adjudant chef. Il y avait là deux agents assis sur un lit avec leurs AKM. L'Adjudant chef Monsieur Damien PADONOU me fait asseoir, et me remet un autre questionnaire à remplir. Il prend soin de me dire : "J'ai transmis votre première audition et les chefs m'ont dit de vous poser quelques questions en plus". Il a marqué au bic trois questions en plus des vingt autres. Il voulait savoir les noms de ceux avec qui je travaille, quel est mon rôle dans le parti, là où se trouve notre matériel de presse.
A la suite de mes réponses, il a dit : "Vous ne voulez pas dire la vérité, vous ne savez pas là où vous êtes". Alors j'ai pris la parole pour lui dire que je sais qu'il abuse des gens, qu'il ne respecte pas les droits de l'homme, le droit de parole et que les libertés ne sont pas respectées chez nous au Bénin. J'ai donné l'exemple de la France sur le respect des droits de l'homme et qu'on n'arrête pas pour détention de tracts.
Il appelle un agent et lui dit de me déformer la tête avec un tesson de bouteille. Heureusement, ce dernier a pris une lame, le sanguinaire Damine PADONOU le pressait tellement qu'il m'a arraché la peau et m'a blessé à plusieurs endroits de la tête. Après avoir fini, il me dit de le suivre, s'arrête devant un trou qui se trouve à côté du poste d'eau et me dit d'y rentrer. La profondeur m'atteignait la poitrine ; il a donné l'ordre de me remplir le trou avec la terre.
Six soldats ont commencé par m'envoyer de la terre dans la figure et les cheveux avec des pelles. Après avoir fini de m'enfermer, les tortionnaires ont commencé par me taper avec de gros tuyaux en plastique, d'autres avec du bois. L'Adjudant Chef même était derrière mon dos. J'ai tourné la tête, l'ai vu, il me dit : "oui, oui, je te tape aussi et tu ne peux rien contre moi". Les coups ne faisaient que tomber sur ma tête, mes épaules, il y avait des zélés comme GODONOU, TOHOUEGNON, ELE BABA, enfant de Dieu, KOUAGOU et le Caporal Chef DANSOU (ce dernier m'a donné un bon coup de poing sur l'oreille gauche qui a fait éclater mon tympan).
Des coups pleuvaient sur mon dos et sur ma tête. L'oeil gauche a reçu un coup de raccord. Ils étaient au moins dix à me taper, je criais. Je disais : "Je n'ai tué personne et vous abusez de moi". J'ai répété ces phrases plusieurs fois.
Un instant après, je n'arrivais plus à respirer. J'ai crié pour dire que j'étouffais, le tortionnaire PADONOU a dit à ces agents d'arrêter. TOHOUEGNON a pris deux seaux d'eau pour me ranimer dans le trou, ils ont repris encore la bastonnade, je suis resté au moins une heure dans le trou.
En me tapant, certains soldats me demandaient les noms des camarades avec qui je travaillais et qu'il aurait suffi que je donne les noms pour qu'ils me laissent en paix. Le silence a été ma réponse à ces imbéciles. L'Adjudant Chef a cessé de me taper et est parti. Quelques instants après, les soldats aussi ont arrêté. Ils m'ont dit de sortir, alors que mes deux bras et tout mon corps étaient dans le trou, seules ma tête et une partie de mes épaules étaient dehors. Je leur ai dit que je ne pouvais pas sortir seul. Grâce à un soldat que tout le monde appelle Serpentos j'ai pu sortir. Ce dernier a pris une pelle pour m'aider à sortir du trou.
J'étais épuisé, mais deux agents armés sont arrivés me dire d'arroser toutes les fleurs de la maison, y compris les citronnelles de la devanture du camp. J'ai commencé par arroser. Le soldat TOHOUEGNON qui faisait partie de ceux qui me surveillaient, me dit de mettre un seau d'eau à chaque fleur, et il y en avait beaucoup, surtout des citronnelles.
J'ai commencé par utiliser un seau d'eau pour trois citronnelles, le tortionnaire TOHOUEGNON me dit : "Un seau d'eau pour chaque citronnelle et que ça presse". Le deuxième soldat, M. KASSIM, n'a pas gobé la manière dont son second me traitait, il s'est mis à l'insulter de tous les noms et lui dit : "Tu ne sais pas que c'est un homme que tu traites comme ça ?" Puis il s'approche de moi et me dit: "Tu utilises un seau d'eau pour trois ou cinq citronnelles, comme ça tu vas vite finir". Je signale qu'ils étaient deux à refuser de participer à ma torture. Le premier s'appelle ENCIEN Joseph et le second KASSIM.
Toute la nuit, je n'ai pas fermé les yeux, j'avais les maux de tête. Le matin du 8 mars 1989 j'avais des courbatures partout.
A 7 heures du matin, le Caporal AHOUE ouvre la porte et demande aux détenus de sortir pour aller à la douche. Il me dit que l'Adjudant chef m'interdit l'accès de la douche durant trois semaines. Les trois semaines seront renouvelées plusieurs fois et finalement je suis resté sans me laver les parties sensibles avec mon slip. J'ai gardé ces slips en souvenir.
Au cours de ma torture, j'avais reçu des coups sur l'oreille gauche ainsi que sur l'oeil gauche, j'avais des douleurs, mon oeil coulait des larmes. J'ai demandé qu'on m'emmène aux soins plusieurs fois, sans succès. J'ai même envoyé une lettre à Monsieur le Directeur du S.D.I. sans suite. C'est grâce aux médicaments que ma femme m'apportait que j'ai pu me soigner, mais les séquelles demeurent : surdité totale de l'oreille gauche.
Je continue de suivre les soins. Avec le temps, j'ai commencé par connaître les noms des tortionnaires qui étaient chez moi pour m'arrêter. L'homme géant n'était que le Capitaine Pascal TAWES ; le militaire qui a tiré sur le jeune BOCO Crépin était le Caporal Chef OKE, il a accédé au grade Sergent avant notre libération. Le sergent OKE est un ancien boxeur et maître karatéka. C'est lui qui entraîne les soldats du camp P.L.M.
Je donne ces détails pour montrer que si ce dernier n'était pas animé d'un instinct sauvage, il pouvait maîtriser facilement le jeune BOCO Crépin avec ses mains. Ce n'est que le 15 mars que j'ai su que Crepin avait rendu l'âme le lundi 6 mars 1989 à 15 heures au dispensaire du Camp Ghézo.
L'atmosphère dans mon quartier était invivable, mes enfants ne sortaient plus. Toutes les femmes du quartier ont fui mon épouse.
Le 1er avril, l'Adjudant Chef m'a autorisé à prendre une douche. Toujours dans le mois d'avril, une délégation de la Croix Rouge a tenté plusieurs fois de nous rendre visite, c'est à l'approche du jour de l'arrivée de la Croix Rouge que les autorités du Camp m'ont fait sortir pour me coiffer, car j'avais des raies sur ma tête. Les cheveux avaient poussé de façon inégale.
Au mois de mai, l'Adjudant Chef PADONOU et ses collaborateurs nous ont réuni. L'Adjudant Chef nous a donné l'information sur le vitriolage et l'explosion au campus. Il nous dit qu'ils ont reçu des informations précises sur l'attaque que la branche militaire du P.C.D. veut faire contre le camp P.L.M. pour libérer leurs membres. Il nous disait d'informer nos amis pour qu'ils ne tentent pas d'attaquer le camp, que s'ils osent le faire, il lui suffira de balancer deux grenades dans notre cellule et ce sera le néant.
C'est au mois de juin que le capitaine TAWES, l'officier de police GNANGA Emmanuel, l'Adjudant chef PADONOU Damien, l'Adjudant ADANDE m'ont reçu dans leur bureau pour procéder à ma troisième audition ; cette fois-ci en présence d'un officier de police.
Vers le fin du mois de juin, une forte délégation conduite par le commissaire ATTAKPA, SOGLOHOUN, TAWES, PADONOU, ADANDE etc, était arrivée au P.L.M. pour relever nos noms et discuter avec nous. Le commissaire ATTAKPA a regretté nos conditions de détention car on n'avait pas de fenêtre. Il m'a assuré qu'il viendrait me soigner mais malheureusement, je n'ai vu personne jusqu'au 29 août, date de notre libération.
Voici la liste des détenus politiques avec qui j'étais au P.L.M. :
ATCHAKPO Honoré (commerçant, ALOFA Bruno (étudiant), ALOSSE Ange (travailleur UNB), AROUNA Maman (Elève), BADOU Benjamin (Travailleur MCAT), Basile (Sociologue MCJS), GBAGUIDI Arsène (Travailleur MCJS), EROUBINOU Mathias (instituteur), EBO Clément (Commerçant-Etudiant), FANOU Simon (Plombier), DEGBE (Travailleur MCAT), SODJINOU Jérôme (Professeur sport), WANVOEGBE Michel (Technicien Génie Civil), ZOCLANCLOUNON J. Marie (Commerçant).
Voici la liste des tortionnaires :
TAWES Pascal (Capitaine), PADONOU Damien (Adjudant Chef), OKE Sénagnon (Sergent), DANSOU (Caporal Chef), GODONOU Anatole (Soldat), KOUAGOU (Soldat), GBEVONON Charles dit "ELE BABA" (Soldat), Enfant de Dieu (Soldat), ADANGNIHON TOHOUEGNON (Soldat), SANNI (Agent du Petit Palais), SOROKIBORO (Sergent Chef), ZODJI Dieudonné (Capitaine), MEVO Félix (Agent de renseignement).
De la détention et des tortures, je porte désormais les marques suivantes : mon oreille gauche n'entend plus. J'ai des difficultés de vision et je ressens de constantes fatigues.
Couturière Atrokpocodji
Arrestation : 05/03/1989
Libération : 03/03/1989
Centre de détention : PLM Alédjo
J'ai été arrêtée comme mon mari le 05 Mars 1989 ; j'ai passé la nuit du 5 au 6 Mars au PLM. Le matin à 7 heures une voiture du SDI est venue m'emmener au SDI. J'ai subi un interrogatoire de 8 heures à 11 heures 30. Il a fallu que je proteste en disant que je vais emmener à manger à mon mari FANOU Simon pour qu'on me laisse partir.
A 14 Heures, une voiture m'attendait au PLM. Dès que j'ai fini de remettre la nourriture, les soldats m'ont emmenée au SDI pour un second interrogatoire. Les questions étaient de donner les noms des amis de mon mari pour qu'on me libère. Un soldat m'a même tapé le dos avec son fusil.
Toute l'opération a été dirigée par le sergent SOROKIBORO du SDI. Après ça l'Adjudant PADONOU est allé chercher les deux mobylettes de mon mari ; le lendemain ils sont revenus me chercher avec les deux cousins de mon mari pour me poser des questions sur les visites que mon mari recevaient.
J'ai eu les conséquences suivantes : plaies chirurgicales réouvertes, ce qui a entraîné une nouvelle intervention.
Secrétaire Adjoint des services administratifs à la DAFA -MDRAC
Je suis arrêté le lundi 6 mai 1985 vers 21 heures au domicile à Cotonou devant ma femme qui portait un enfant de 11 mois par une horde de soldats armés en tenue de guerre. Leur nombre pouvait être estimé à une quarantaine. Tout le quartier de Tanto où je vivais était entièrement investi ; les militaires armés étaient pleins dans les maisons d'à côté et ma propre douche bien gardée. Mon arrestation a été organisée et exécutée par les militaires de la garde présidentielle dont N'Tcha Jean alors capitaine, et le commandant. Ils étaient aidés dans l'opération par un mouchard bien connu au niveau de l'UNB du nom de Yokossi Solima Sorel, un corégionnaire qui allait chez moi voir les étudiants de notre région qui habitaient avec moi et voilà comment ils ont procédé.
Ils (du BGP) avaient envoyé chez moi Tchando Moussa, soldat du BGP et cousin maternel à moi vers 19 heures. Moussa ne m'ayant pas trouvé (j'étais revenu tard du service), a laissé à ma femme Simone, la commission de ne pas sortir, qu'il avait ramené du village une commission pour moi. Il a dit qu'il venait dans quelques instants juste le temps de traîner sa mobylette. L'accès à mon domicile par mobylette était impossible à cause du sable. Or les soldats étaient disposés dans la forêt qui borde ma maison et guettaient tout simplement mon arrivée.
A mon arrivée, ma femme m'a transmis la fameuse commission. Je suis sorti pour aller à sa rencontre quand trois bons flics ont surgis sur moi me disant : "le vieux demande que tu arrives avec nous". Une dizaine de soldats s'étaient ajouté au trois premiers. Je leur ai demandé si pour voir le " vieux " il fallait un tel déploiement de force. Certains me tiraient quand je leur notifiais que je les suivrai puisque je suis dans leurs mains.
C'est ainsi que je suis amené au bord de la voie principale Cotonou - Sèmè où la 404 bachée qui m'amena au palais de la république m'attendait.
Au Palais, je suis accueilli par le capitaine Hountondji du BGP. Là, Kassa Gilbert me rejoignit, lui aussi amené de force de sa maison.
Après plusieurs tractations, nous (Gilbert et moi) sommes amenés d'abord chez Adolphe Biaou alors ministre du développement Rural et de l'action Coopérative et ensuite chez le capitaine Jean N'Tcha et puis ramené au Palais de la République.
C'est donc au palais de la République que je suis interrogé pour la première fois et là aussi le début d'un long calvaire. les capitaines Jean N'Tcha du BGP et Gomina Fousséni du SDI, un Adjudant inconnu et feu l'Adjudant André Kassa. "Si tu ne dis pas la vérité, cela va te conduire loin, tu vas perdre ton job etc... "
Après cela, je suis conduit au violon 2 du commissariat central vers 1 heure du matin où je suis jeté dans un coin où les pots de merde se trouvent au milieu des bandits qualifiés. Là pendant que certains me chutaient à coups de pieds, d'autres s'apitoyaient de mon sort , estimant que je suis arrêté injustement. J'étais donc au milieu des chenilles dans l'obscurité totale. Là un policier de garde me déclarait son incapacité de me faire des conditions acceptables.
Le mardi nuit, une land-rover entre au sein du commissariat ; dedans le capitaine Tawès Pascal, un caporal et Gilbert mon frère de misère. On me sort du violon et je suis embarqué pour le PLM. " Allez, monte ; on va te fusiller ". Au PLM, tout un bataillon armé nous attendait et nous fîmes reçus au garde-à-vous. Le capitaine ordonna une disposition pour un tir croisé par deux colonnes. On nous demanda d'aller nous agenouiller la face contre le mur. Ce que nous f^mes. Nous assistons là à un simulacre d'exécution. Après cette introduction il fallait aller au poste de police pour les premières formalités. Mais avant celle-ci, nous fûmes mouillés au robinet et on nous demanda de rouler à terre ou de marcher sur les genoux sur des pierres tranchantes pendant que les coups de ceinturon tombèrent sur nous. Cela dura une heure. Déjà nous étions seulement en slip durant les tortures.
Les hommes de garde, le chef de poste en l'occurrence prit notre filiation et nous jeta dans une cellule tout nus. Quelques heures après, on nous sortit de là pour nous isoler, chacun dans une cellule.
Au PLM, j'étais enfermé 24 h sur 24. Dès qu'on venait ouvrir la porte de ma cellule qui était d'ailleurs bâchée, je savais que c'était soit pour des tortures, soit pour jeter la houe pour sarcler le basf. Au PLM, j'ai fait six mois et non seulement j'étais interdit de visite de mes parents et autres amis, mais je n'étais pas nourri. J'ai pu survivre grâce à deux Aladji qui faisaient une détention arbitraire. Grâce à leur sympathie, j'ai pu survivre. Je me vois ce 4 septembre date à laquelle on porta l'objectif de nous liquider purement et simplement. Ainsi, on nous mouilla à 19h On a subi ce jour là toutes sortes de tortures. Les fagots de bois étaient déposés pour moi et mon compagnon Gilbert. D'abord, j'ai rampé sur le ventre dans les cailloux tranchants ceci bien sûr à coups de chicote. Toute la garde mais surtout les hommes de piquet, se jeta sur moi à coups de chicote, ceinturon et les lanières, tantôt en fer, tantôt en peau de vache. Les rangers aussi sont de la partie. Après la rampe, ce fut la roulade, et la marche sur les genoux dans les pierres. Le Caporal Koussemou Pascal et Zatiou dirigeaient et exécutaient eux-mêmes les opérations. les tourtures furent suspendues ce jour là à 23h30 et en nous imposant la station debout de 23h30 à 8h du lendemain, heure à laquelle on me jeta la houe pour sarcler dans le marécage à coups de chicotes avec un nommé "Kpihoo",. J'avais tous les bras enflés et surtout la droite. Elle est presque cassée. Les tortionnaires eux-mêmes s'étaient inquiétés et ont dû masser mon bras avec du baume chinois.
La corvée de sarclage terminée, je tombe malade. Pendant trois jours je n'arrive à rien manger. Et c'est presque mourant qu'on m'amena à l'hôpital de la garnison pour des soins.
A PLM les meilleurs tortionnaires étaient : Pascal Tawes, Aniambossou le sergent malicieux, les caporaux Kouessemou, Zatiou.
Le 31 octobre 1985, je quittai PLM pour la prison civile de Cotonou, passant par le poste 200 au camp Ghézo. A la prison civile, on nous jeta dans les bâtiments de la populace, les " Droits Communs ". Là en moins d'une semaine, j'étais atteint de la gale. Une fois couché la nuit, on ne peut plus se mouvoir, tellement nous sommes nombreux mais surtout entassés comme des sardines en boîte.
A peine j'ai fait deux mois quand on nous (avec d'autres) a déportés sur Parakou. Là je suis une fois de plus torturé au cours de l'interrogatoire. Je suis plongé dans la citerne " Agonkan " puis sérieusement molesté à la sortie par coups de fouet, bâton, ceinturon. Le bouillon n'a jamais cessé de se dégrader tant que notre pays plonge dans une situation sans nom. Alors qu'ailleurs - PLM et PCC - Je dormais sur le sol, ici à Séro-kpéra on est couché sur les lits.
Le 24 février 1986, le périple continua et on débarqua par camion militaire à Ségbana. C'est une enceinte fortifiée où nous vivons dans les cellules 24h/24h, jusqu'à ce que nous nous soyons décidés à vivre autrement. Dans les cellules sans fenêtres, on étouffe littéralement, la chaleur allant parfois à 45 degrés à l'ombre. A Parakou, les tortionnaires sont les capitaines Agonkan, Babalao, Fousséni Gomina, les Gbaguidi, Gomez. Devant l'arbitraire, l'illégalité de notre détention, nous ne sommes pas restés les bras croisés, mes amis et moi. Au PLM, nos protestations contre les abus et l'exigence de voir nos parents étaient vite réprimées ou négligées. Mais à la prison civile, nous avons protesté contre notre détention dans les bâtiments de droit commun et exigé que l'on nous fasse un statut de Détenus Politiques ; quand bien même nous avons obtenu cela , les autorités pénitentiaires nous ont ramené aux bâtiments secours A et B et interné administrativement. Nous nous sommes toujours cognés avec le régisseur et le capitaine Zankaro pour qui nous ne devions pas avoir de contact. A Parakou, nous luttions pour l'amélioration des conditions de détention.
Notre lettre au procureur général du parquet populaire central a fait un tolé général et cela noua a valu la déportation sur Ségbana. Pour Zinzindohoué, nous ne devons pas faire de la "pagaille" dan son camp. Alors il bouche toutes les issues du campus et personne n'a droit à la parole en octobre 1986. A SégBana, il y a toujours eu choc entre nous et les autorisés lorsque nous mourrions à petit coup. les plus importants sont : pour avoir accès à la cour intérieure d'abord et extérieur ensuite. Les protestations se faisaient sous forme de manifestions comme tapage des portes, sit-in, grève de la faim. Je ne garde plus les dates entête. Résumons les noms des tortionnaires : N'Tcha Jean, Gomina Fousséni, Tawes Pascal, Houssou Patrice, Zankaro Moumouni, Soglohoun, Ogouchola, Agonkan, Clément Zinzindohoué, Koussemou, Aniambossou, Latiou Gomez, Zato etc..
Aujourd'hui, les luttes des travailleurs et des peuples du Bénin sont portées très haut et beaucoup de libertés conquises. Qui l'aurait cru avec l'Autocratie. Pour certains, cela tient d'un miracle. Mais pour d'autres, ils savent que c'est là le résultat concret des luttes.
Ainsi à part donc le châtiment que je propose pour les zélés, faudrait-il que nous installions une structure de défense des droits de l'homme.
Tout ce qui est réunion, référendum doit viser à la mise sur pied des Associations ou autres Ligues de défense des droits de l'homme.
33 ans
Technicien Supérieur des Travaux publics
Le 14 Octobre 1985, alors que j'étais au service, deux agents du petit palais avaient fait leur entrée sur le campus d'Abomey-Calavi déjà militarisé, et l'un d'eux s'était présenté à moi. " Camarade GANGBE David, c'est la police ; on a besoin de vous à Cotonou pour une enquête ". C'est en ces termes qu'ils s'adressaient à moi. Mon arrestation fut chose faite ce jour-là vers 10h.
D'Abomez Calavi, on avait fait escale chez moi à Cotonou pour une perquisition de ma chambre entière avant d'être conduit au petit palais puis au camp Ghézo où j'ai été enfermé au poste 300 pendant 48 h et sans contact.
Le mercredi 16 octobre 1985 vers 7h, j'ai été conduit à l'aéroport de Cotonou pour une déportation sur Parakou. On m'enferma au camp Séro-Kpéra où Monsieur Zinzindohoué Clément, commandant de la zone Nord d'alors, était le patron suprême. Il était en ce moment le chef des tortionnaires. Il prescrivit les genres de rodéos qu'il faut infliger aux détenus pour leur retirer des aveux. Ces tortionnaires se réunissaient à tout moment (même heure) pour des interrogatoires musclés. Au sein de cette commission, on peut distinguer les tortionnaires les plus zélés comme Zinzindohoué Clément, Fousséni Gomina, Hounsou Patrice et Babalao Alexis.
J'ai été interrogé à plusieurs reprises de jour comme de nuit. C'était au cours de l'un de mes interrogatoires que j'avais été torturé physiquement. Cette séance de bastonnade (avec bâton, lanière et ceinturon) avait duré plus d'une heure. En effet, une équipe de plus d'une douzaine de soldats armés de bâtons, lanières et ceinturons, s'étaient jetés sur moi dès que le top a été donné par HOUNSOU Patrice. On dirait que c'était une bête à abattre. Je recevais des coups sur tout le corps. BABALAO demandait qu'on me tapa fort. Il demandait qu'on me crève les yeux. D'autres ordonnaient de me tuer si je ne voulais pas donner les noms des responsables du PCD de toutes les provinces et si je n'acceptais pas d'indiquer la planque de COUSE KOUMBA Noël.
Après une quarantaine de minutes, on m'obligeait à ramper sur les cailloux. Mon corps saignait déjà et certains soldats m'arrosaient d'eau et avec des coups de lanières et de ceinturons. Après une demi-heure de ce genre de rodéo, le capitaine HOUNSOU ordonnait aux soldats de me laisser. Je ne pouvais pas en ce moment marcher ni rester debout : c'est alors que ZINZINDOHOUE donnait l'ordre de me conduire à l'infirmerie pour des soins.
J'avais subi le second châtiment corporel pendant que j'étais malade et sur le point d'être évacué à Cotonou pour des soins médicaux adéquats. Ce jour-là, tous les détenus ont été rôdés avec des centaines de chicotes d'acacia sur le terrain de sport du camp. Le crime qu'on avait commis était notre réaction spontanée face aux soldats qui s'étaient jetés sur la femme de notre co-détenu KPEKPEDE Grégoire. La femme qui avait été grièvement blessée n'avait rien fait à ses agresseurs. Pour eux, elle faisait trop l'élégante et ne les avait pas salués. Voilà pourquoi elle avait été la proie de ces chasseurs d'hommes.
ZINZINDOHOUE, en ordonnant de nous rôder, avait non seulement demandé de rôder la femme qui était blessée, mais il lui avait interdit de rendre visite à son mari.
Les tortures morales sont nos pains quotidiens. Les geôliers n'ont jamais cessé de nous provoquer quand ils veulent.
Les conditions de vie auxquelles on avait été soumis étaient pour nous tuer à petits coups.
Tous les centres de détention que j'avais faits avaient pour caractéristique principale l'étroitesse et l'insalubrité.
Toutes les cellules sont malsaines. Il s'agit de : camp Ghézo (poste 200, 300, 400). Le commissariat central (maison blanche), le camp Séro-kpéra (poste de police, ex-infirmerie, poste central, poste jardin) et la prison civile de Ségbana, où les rudes conditions climatiques et l'étroitesse des cellules sans aération aucune, nous rendaient la vie plus pénible. On était exposé à toutes sortes de maladies.
Les mets qu'on nous servait étaient non seulement insuffisants mais de qualité médiocre. On n'avait pas le droit de faire des réclamations. La seule réclamation du café insuffisant qu'on avait faite, nous avait valu toute une journée sans repas et la déportation de certains de nos co-détenus sur Ségbana.
La survie des détenus n'étaient pas le problème de nos geôliers. En effet, toutes les ordonnances médicales sont à la charge des parents des détenus. Les évacuations décidées par les médecins ne s'exécutent pas facilement par la commission.
1953
Enseignant - Abomey .
Arrestation : 17 juin 1982 et 08 février 1986.
Libération : 24 juin 1983 et 02 septembre 1989.
Centres de détention : Commissariat de police de ZOHOUNGO - Brigade des FSP d'Abomey. Brigade des FSP de Bohicon - Camp Séro Kpéra de Parakou - Prison civile de Ségbana.
PREMIERE ARRESTATION
DEUXIEME ARRESTATION
Résultats : tout le corps en sang ; L'oeil blessé et testicules touchées. Le capitaine AGONKAN a dirigé personnellement cette séance et c'est lui qui me demanda de temps en temps entre deux pluies de coups de bâtons, chicote, lanière et godasse si je suis prêt à accepter que je suis membre du PCD, chef du Zou et à citer ceux avec qui je travaille ou que je dirige. La réponse ayant toujours été : " C'est faux, je ne sais rien, je suis innocent ", la séance s'était poursuivi jusqu'à ce que je sois au bord de la perte de conscience. La séance fut enfin arrêtée, j'ai été alors pratiquement traîné sur une véranda sous la raillerie des soldats qui venaient d'accomplir leur sale besogne. Après on me remit un lot de papier et un bic pour me demander de faire ma déclaration sous la menace de reprise immédiate de la séance de rodéo si je n'avoue pas mon " forfait " et ne cite pas mes éléments. Mais cela ne m'a pas ébranlé et j'étais ferme dans ma déclaration. Finalement, j'ai été renvoyé en cellule.
Il me fut refusé d'aller à l'infirmerie de garnison pour prendre des soins élémentaires. Les plaies se sont infectées, surtout celle de l'oeil droit . J'ai ndonc eu des douleurs pendant plus d'un an et demi à l'oeil droit et aux texticules.
MAITRE MACON C/1124 VODJE COTONOU
Le 30 avril 1985, j'ai pris part à une opération d'affichage et de dépôt de tracts, opération au cours de laquelle mon second a été arrêté et conduit au camp Ghézo.
J'étais à la maison alors le 1er mai dernier et après la perquisition que Monsieur Gaston HOUNKPE a dirigé dans notre maison, mon second Nicaise a été obligé de leur dire mon nom et je l'ai suivi. C'était donc mon arrestation. Malgré toutes les intimidations, nous n'avions pas accepté les accusations. Nous avions dit que nous revenions d'une promenade et un groupe de personnes qui faisaient les affiches nous a sollicité à les aider. Malgré les confrontations avec le type qui nous avait vus et arrêtés la nuit, nous n'avions pas changé d'opinion jusqu'à notre libération après 18 mois.
Après la perquisition donc, nous étions tous deux enfermés au poste 200, coupés de tous contacts pendant soixante-douze 72 heures.
J'ai passé huit mois au poste 200 du camp Ghézo dans des conditions vraiment minables. J'ai été malade durant deux mois (troubles intestinaux et colique très complexe) et l'infirmerie du camp ne m'a pas fourni la nivaquine. N'eut été l'amabilité de mon patron qui me faisait des infusions et achetait des gélules " Noukpo Gokpo ", je serais décédé.
Le 18 décembre 1985, nous avions été transférés à Parakou et le 16 janvier 1986 à la prison de Ségbana. J'ai subi les mêmes traitements que les membres reconnus du PCD dans les prisons.
Malgré toutes supplications et investissements de mon patron, Monsieur ZINZINDOHOUE n'avait pas voulu nous libérer. Malgré les 22 000 f que mon patron remis à ZINZINDOHOUE aucune amélioration n'a été apportée à notre situation.
Cette somme c'est bien sûr parmi tant d'autres. Ce n'est que le 26/9/1986 que j'ai été libéré.
Formation à la Direction de l'Artisanat.
Cotonou BP 1574
Arrestation : 30 Août 1985 vers 17 heures
Libération : 1er avril 1989
Centre de détention : camp Ghézo, camp Séro Kpéra, Prison civile de Ségbana
Mon arrestation a eu lieu le vendredi 30 août 1985 vers 17 heures. Ceux qui m'ont arrêté étaient en civil. Ils ne détenaient pas de mandat d'arrestation contre moi. Ils étaient au nombre de trois. Pour m'arrêter il leur a suffi de se présenter à mon bureau et de dire : "C'est la police politique, suivez-nous". Le véhicule qui a servi pour l'opération n'avait aucun signe extérieur de la police. Il n'avait pas non plus d'immatriculation. Les plaques d'immatriculation ont été arrachées. Immédiatement, ils m'ont conduit au camp Ghézo après une courte escale à la présidence. Dès notre arrivée au camp, ils m'ont remis dans les mains expertes de la garde présidentielle et se sont retournés. Immédiatement aussi les tortures ont commencé. Il n'y a pas eu d'interrogatoire en tant que tel. On décrète que je suis infailliblement du parti communiste du Dahomey (P.C.D.) et on me demande ceux avec qui je suis en contact et comment nous travaillons. Inutile de décrire ici la sauvagerie des pratiques inhumaines de tortures appelées "rodéo". Pour résumer je cite ce qu'un soldat m'a dit le premier jour de mon arrestation. "Ici, on te fera souffrir jusqu'à ce que tu aies envie de mourir. Mais tu ne mourras pas. On te gardera en vie pour te faire souffrir davantage". Et c'est exactement ce qui s'est passé. A la seule différence qu'à un moment donné eux-mêmes ne savaient plus si je pouvais rester encore en vie tellement j'ai frôlé la mort. Survolons tout de même ce qu'était le rodéo. On me met en slip. On me rase. On me matraque tout le temps, de jour comme de nuit. J'ai subi aussi beaucoup d'autres choses, toutes destinées à me faire souffrir au maximum. On m'a même fait nager dans des eaux usées couvertes d'épines, de fer rouillé etc...
Toutes visites m'étaient interdites, seule ma femme a été autorisée par la suite à m'apporter de la nourriture sans me voir. Une semaine après mon arrestation, je devais voir pour la première fois ma femme.
C'était pour lui faire goûter à une séance de torture. En un mot j'ai été "rodé" devant elle et d'autres parents de détenus. Les tortures morales ne se laissent pas compter. Onze jours après, mon état était devenu pratiquement désespéré. J'étais près de mourir. Pourtant, on refusa de m'emmener à l'hôpital situé à quelques mètres de là.
Il a fallu que d'autres détenus, dans ces conditions dramatiques aient osé faire grève à leurs risques et périls pour obtenir mon évacuation. A l'hôpital, j'ai subi des soins médicaux intensifs. J'ai séjourné là pendant deux mois et demi. Un poste de garde est monté là pour me surveiller. Mon salaire est détourné dans un compte spécial et je ne devais pas le percevoir.
Les énormes frais occasionnés par mon état sont entièrement restés à ma charge. A l'hôpital même les menaces ont continué. Au bout de deux mois et demi je n'étais même pas guéri et on m'arracha de l'hôpital sans aucune autorisation des médecins soignants. J'ai dû continuer les soins au Camp Séro Kpéra de Parakou et à la prison civile de Ségbana, lieux où j'ai été également détenu. Les conditions de détention à Parakou et à la prison civile de Ségbana sont purement inhumaines. A la moindre chose, on vous enferme 24 heures sur 24 dans des cellules. On peut même vous frapper.
De ma détention et surtout des tortures, j'ai gardé des séquelles aussi bien physiques que morales.
Les séquelles physiques sont restées pour toujours sur mon corps à cause de la gravité des blessures, par exemple, des plaies de plus de 15 cm de large sur chaque fesse. Même mes organes génitaux ne sont pas épargnés.
Au terme de ce bref rapport qui ne résume qu'imparfaitement l'ampleur des dégâts que m'ont été causés, je demande la réparation des dommages que j'ai subis.
Date et lieu de naissance 1958 à Adanhondjinou, province du Zou
Le présent rapport comporte quatre volets à savoir :
1 - l'arrestation
2 - les lieux de détention
3 - les conditions de détention
4 - les tortures subies
1 - L'ARRESTATION
Le 22 novembre 1985 vers 2 heures du matin, une équipe de militaires armés dirigée par messieurs ZINZINDOHOUE Clément et BABALAO Alexis s'est rendue chez moi au carré n° 196 à Akpakpa. Après avoir fait encercler la maison, les deux messieurs ont défoncé ma porte : ils m'ont fait kidnapper par un groupe de militaires qui m'ont jeté dans un camion.
2 - LES LIEUX DE DETENTION
Du 22 Novembre 1985, date de mon arrestation au 1er avril 1989, date de ma libération, je suis passé par le petit palais, le camp Ghézo, le camp Séro Kpéra, la prison civile de Ségbana.
3 - LES CONDITIONS DE DETENTION
A tous les endroits précités, j'ai vécu dans des cellules étroites, obscures, insalubres, exposées aux diverses intempéries, aux moustiques, aux moucherons, aux microbes. La plupart du temps, j'ai été enfermé et privé de visites. Les repas insuffisants, mal cuits, excessivement pimentés ou salés contenant de la glutamate m'ont fait souffrir pour la première fois des hémorroïdes externes. En cas de crises hémorroïdes et de paludisme, j'ai été obligé de recourir à des parents, des amis et codétenus. Bien des fois j'ai été contraint de me coucher à même le sol, il n'était pas permis à temps de me laver et de satisfaire mes besoins. Les injures, les menaces sont monnaie courante de la part des geôliers. A tout cela s'ajoutaient la délation, le mouchardage, les menaces et injures de certains codétenus contre ma personne.
4 - LES TORTURES SUBIES
Incontestablement, mon arrestation, les conditions de détention sont de véritables tortures morales. A cela s'ajoutent les va et vient forcés, intempestifs entre Cotonou et Parakou, entre Parakou et Ségbana. Dans le but de m'extorquer des aveux, j'ai été plusieurs fois séquestré à des heures indues pour interrogatoires, menaces par ZINZINDOHOUE Clément, GOMINA Fousséni, BABALAO Alexis, AGBLO Simon A. A dessin des codétenus étaient torturés physiquement devant moi, BABALAO me montrait des fagots de chicotes, me disait qu'ils étaient réservés à moi au cas où je ne citerais pas des gens et ne montrerais pas les planques d'hommes et de matériels dont j'avais la charge. Les corvées auxquelles j'étais assujetti étaient elles aussi de véritables tortures.
Date de libération : 15 février 1990
Centre de détention : Commissariat de Tokplégbé et
Commissariat central - Cotonou
Le vendredi 9 février 1990 aux environs de 16 heures, répondant à l'appel du Comité d'Action de la Commune (CACO) de YENAWA, nous étions debout à l'un des angles du carrefour de l'Ecole de Base de Yénawa. L'effectif atteignait la quarantaine. La population s'apprêtait à nous rejoindre sur les lieux pour une assemblée générale qui avait pour but de discuter des problèmes de la commune. C'est en ce moment que la police fait son intervention avec deux véhicules (une 504 bâchée du Commissariat de Tokplégbé et un camion venu en renfort de la Sûreté urbaine). Ce détachement était dirigé par le sieur Dine SAIZONOU, Adjoint au Commissaire de Tokplégbé.
Ont été arrêtés après une forte résistance :
- Gabriel OUSMANE MOUSSA, Comptable BBD
- Jean DOHOU, Technicien Bâtiment
- Appolinaire KIKI, Etudiant/FLASH
- Guy HONGBO, Elève
- Alfred Z. TOSSAVI
- Djima AKINDE, Etudiant/FASJEP
- Augustin MEVI, Elève
- Elie MITOFIOCOU, Soudeur
- Pascal GNONLONFOUN, Conducteur sans emploi
1 - RAISON DE L'ARRESTATION
Officiellement et suivant le Procès verbal d'audition transmis au Procureur de la République du Tribunal du DUC 6, le Magistrat Jean Baptiste MONSI, nous étions arrêtés et détenus du 9 au 15 février 1990 pour "Atteinte à l'ordre public". Signalons que la réunion pour laquelle nous étions sur les lieux n'avait pas encore commencé et nous n'occupions pas la voie publique.
2 - CONDITIONS DE DETENTION
Nous (les neufs) étions détenus au Commissariat central de Cotonou après avoir transité par le "violon" du commissariat de Tokplégbé.
D'abord nous avons passé la première nuit à la "grille" du poste de police où méthodiquement rangés nous avons passé la nuit à même le sol, les têtes et les pieds intervertis à la manière des sardines.
Ensuite, le lendemain matin nous avons été transférés à la "salle trafic" pour le reste de notre séjour. Nous y avons vécu avec les détenus de droit commun dans des conditions d'hygiène insoupçonnables. Pendant une semaine et en dépit de la grande chaleur qui sévissait, nous n'avons eu droit qu'à deux douches de deux minutes chacune. Le bloc note et le poste radio nous étaient interdits.
Il est à peine besoin de signaler qu'aucun repas n'est offert, chacun devant se débrouiller pour manger.
3 - SEVICES MORALES ET CORPORELS SUBIS
Notre première nuit, aux environs de 22 heures, à l'une des questions provocatrices qu'est venue nous poser un brigadier, notre camarade GNONLONFOUN a répondu : "peut-être". Aussitôt, il a exigé et obtenu du policier de garde le transfert de notre camarade de la "grille" au "violon" où il a été littéralement "pris en compte" par les locataires de cette cellule, c'est-à-dire maltraité.
Au cours de la résistance opposée pendant notre arrestation les camarades GNONLONFOUN et HOUNGBO ont reçu chacun une paire de gifles. Depuis ce temps d'ailleurs la chemise du premier est hors d'usage, tachée de sang.
Pendant la semaine qu'a duré notre détention, nous avons entendu toutes sortes de propos des flics pour nous amener à abandonner la lutte et surtout à ne pas militer au sein de la Convention du Peuple. La démarche consistait à nous faire comprendre que par nos faits nous étions en train de compromettre notre avenir et celui de nos progénitures.
Le maire de la commune de YENAWA qui a demandé notre arrestation a, pendant que nous étions détenus, envoyé commission à AKINDE et à GNONLONFOUN pour qu'ils ne résident plus dans la commune à leur sortie du commissariat. Le sieur Dossou Bruno a proféré toutes sortes de menaces contre les deux camarades.
Cotonou, le 22 Avril 1990
Profession : Assistant d'Economie
Date d'arrestation : 31 octobre 1985 vers 5 heures du matin
Date de libération : 30 août 1989
Centres de Détention : Petit Palais, Cotonou, Poste 200
Camp Ghézo, Camp Séro Kpéra de Parakou, Prison civile de Ségbana
Mon arrestation au jeudi 31 Octobre 1985. Il était entre 4 heures et demi et 5 heures du matin quand je fus brutalement réveillée et sorti de mon lit par une meute de soldats dirigée en personne par le Commandant ZINZINDOHOUE Clément (Chef de mission président de la CNPESE), le capitaine GOMINA Fousséni qui connaissait les lieux pour y être arrivé un certain nombre de fois auparavant en tant qu'étudiant de 3ème année de Sciences Economiques voulant consulter son professeur de Théories Monétaires Approfondies que je fus, le lieutenant BABALAO Alexis (tortionnaire de ma femme et de mes enfants après l'échec de sa mission en mon domicile considéré comme le repaire des "subversifs" qu'il avait mission de ramener morts ou vifs).
La veille, je m'étais couché assez tard un peu fatigué. Je n'ouvris les yeux ce matin-là que pour constater à travers les persiennes que la chambre où je dormais et toute la maison était entièrement cernée. Il ne me restait plus aucune issue pour m'échapper. Toutes mes tentatives se sont avérées vaines. Je n'eus même pas le temps de m'habiller et c'est en pagne que je fus sorti et accueilli par une rafale de questions-réponses appuyées de gifles et de bastonnades. Le commandant ZINZINDOHOUE dégaina un coutelas (c'était son bâton de commandant, devais-je m'en apercevoir plus tard) et m'en menaça : "Je vais te couper déjà en attendant une oreille si tu ne m'indiques pas rapidement la maison de ton oncle".
On notait à la fois un soulagement et un énervement au niveau de la meute qui s'affairait autour de moi ce matin-là : soulagement parce qu'un " gros poisson venait d'être pris " mais énervement aussi parce que contrairement à leurs espoirs, les documents "compromettants", les autres "gros morceaux" recherchés et supposés tapis chez moi dont notamment KOUSSEY K. Noël n'y étaient pas. Leur hargne sur ma personne (gifles, chicotes, bâtons, menace au coutelas...) était à la mesure de leur demi échec de ce matin.
Le quartier était entièrement bouclé et ses habitants vécurent des heures chaudes ce matin-là. Personne ne devait bouger. Il y eut des contrôles d'identité et des interpellations tous azimuts. Le cas d'un corégionnaire qui avait la malchance d'avoir sa maison à quelques mètres de la mienne fut affreux. ZINZINDOHOUE et ses hommes dans leur rage de retrouver coûte que coûte mes pairs "subversifs" qui "logeraient chez moi chez mon oncle dans le quartier" selon leurs informations, défoncèrent la palissade de clôture de la maison de ce corégionnaire, firent irruption dans ses chambres qu'ils fouillèrent de fond en comble. Ils nous passèrent à un interrogatoire musclé mais sans résultat positif. Le corégionnaire fut traîné, en état d'arrestation, jusqu'au véhicule militaire garé à près de 500 mètres de la maison avant d'être relaxé.
Je fus seul emporté du quartier ce matin vers 7 heures, mon pagne de nuit noué au cou comme tout vêtement.
Il m'avait été interdit de prendre quoi que ce soit et c'est plus tard qu'on me fait porter des vêtements au Petit Palais, mon premier point de chute après mon départ de la maison. J'y suis resté jusqu'à 15 heures : puis on me transféra au poste 200 du Camp Ghézo avec d'autres citoyens arrêtés dans la même journée. Je fus écroué à ce poste avec la mention "sans contact". J'y passai 7 jours sans la possibilité d'entrer en contact avec ma famille qui comme je le saurai plus tard vivait séquestrée depuis mon enlèvement de ce jeudi 31 Octobre 1985. Ma maison a été assiégée de jour comme de nuit pendant 6 jours. Le Lieutenant BABALAO comme je l'apprendrai plus tard y a fait la pluie et le beau temps. Ma bibliothèque a été mise sens dessus-dessous, beaucoup de mes bouquins et documents de recherche volés puisqu'il n'y eut pas de perquisition en bonne et due forme.
Il soumit ma femme et mes enfants de 8 et 11 ans à une torture atroce. Quiconque arrivait dans la maison pendant la période du siège était fait prisonnier. Ce fut le cas notamment du répétiteur de mes enfants et de notre domestique qui bien qu'ayant perdu un parent proche ne fut point autorisée à sortir pour assister à son enterrement. C'étaient les soldats du siège qui devaient aller acheter des choses au marché pour que ma femme puisse faire la cuisine et donner à manger aux enfants. Ma femme ne pouvait se rendre à son service et mes enfants encore moins à l'école. Ils ont vécu un calvaire indescriptible.
Durant mon séjour au Poste 200 du Camp Ghézo, je fus convié à remplir par 2 fois une fiche de renseignements (la même) mais je ne subis point d'interrogatoire véritable.
Le 6 novembre 1985, un avion militaire spécialement apprêté m'emporta en compagnie d'une quinzaine d'autres camarades vers Parakou. Nous fûmes accueils dès l'aéroport de Parakou par les para-commandos de Bembèrèkè et au Camp Séro Kpéra même par le staff de la CNPESE comme de grands criminels. Nous étions présentés comme des gens qui, s'ils n'avaient été arrêtés ce jeudi 31 Octobre 1985, "auraient provoqué la chute du régime révolutionnaire du Peuple béninois". Outre GOMINA Fousséni, un certain capitaine GBONSOU du génie de Parakou s'était particulièrement illustré dans cette mise en scène funeste.
Après les parades d'intimidation, on installe les nouveaux "colis" (c'est ainsi que le commandant ZINZINDOHOUE nous désignait) que nous constituons. Je fus isolé et livré aux moustiques dans une salle abandonnée de l'ex-infirmerie de garnison de Parakou transformée pour la circonstance en cellule toujours avec la mention "sans contact". Un soldat armé gardait la porte nuit et jour. Mes sorties pour la toilette devaient se faire sous escorte et haute surveillance et pas au même moment que d'autres détenus. Ce régime dura près de 3 semaines avant un petit relâchement.
Dès le 7.11.85 et après la séance de prise de vue, mon interrogatoire commença par une séance in pléno de tous les membres de la commission où le commandant ZINZINDOHOUE déclinant mon identité selon les renseignements de son "radar" (comme il aura à le dire) déclara notamment : "...Quand une femme doit accoucher, elle ne peut rien cacher. Tu es en situation analogue à celle d'une femme enceinte dont le travail a commencé. Je sais tout de vous...Je sais que tu es le responsable national du PCD. Donnez-lui une rame de papier et qu'il me raconte l'histoire de son parti..." Je fus soumis pratiquement sans répit, de jour comme de nuit à une multitude de questions. Le commandant ZINZINDOHOUE, souvent furieux, face à mes réponses n'avait cessé de me menacer : "Tu es irresponsable, tu me bloques...Tu es hémorroïdaire dit-on ! Tes hémorroïdes vont traîner tout à l 'heure par terre..." Mais mon supplice fut surtout moral. Le commandant ZINZINDOHOUE tenait un certain nombre de camarades dont moi, moralement responsables des conséquences des tortures atroces qu'il faisait subir à quelques camarades suspectés de détenir des informations précieuses pour la bonne marche de son oeuvre de "démantèlement du PCD". Les cas des camarades Justin HOUDANTODE et CHABI Sika Karim furent les plus préoccupants dans la période (courant novembre 1985). Le commandant ZINZINDOHOUE souffla constamment le chaud et le froid.
Il usa tour à tour des procédés chers à la flicaille à savoir la mystification, l'arme de la division, le chantage, etc.
Le 8 mai 1986, prétextant d'une grève de la faim que nous aurions déclenchée dans son "camp" alors qu'il n'était question que d'une revendication de nos parts de pains de petit déjeuner détournés à l'ordinaire (c'est le nom donné à la cuisine) du camp Séro Kpéra, le commandant ZINZINDOHOUE décida d'affamer tous les détenus qu'il embarqua dans deux véhicules militaires en direction de la Prison de Ségbana.
Je fus naturellement du nombre et à partir de cette date, c'est à Ségbana que je passai le reste de ma détention (chaleur excessive en saison sèche, froid excessif en hivernage, alimentation insuffisante et déficiente, refus de visite des parents, refus des évacuations sanitaires, etc)
Je m'en suis sorti avec une perte de poids très sensible, une asthénie oculaire avec baisse d'acuité visuelle accentuée.
Mon évacuation sanitaire décidée par le médecin du CSD de Ségbana dès 1987 confirmée par le médecine du CICR qui nous avait rendu visite à la prison de Ségbana en avril 1988 est demeurée sans suite jusqu'au départ du Colonel ZINZINDOHOUE de la tête de la CNPESE en septembre-octobre 1988.
Il m'est revenu que dès le 8 mai 1986 au soir, après notre évacuation du Camp en direction de Ségbana, le commandant ZINZINDOHOUE avait saisi un sac contenant des vêtements neufs, des bols dans lesquels des bonnes volontés m'avaient amené à manger et que j'avais confié à un camarade à transmettre à des connaissances à Parakou.
Je n'ai plus jamais retrouvé ces effets malgré mes nombreuses lettres de réclamation.
De mai 1986 à septembre 1988 (date de départ du Colonel ZINZINDOHOUE de la CNPESE) toutes les lettres qui ont transité par Parakou furent interceptées et gardées par le commandant ZINZINDOHOUE.
C'est par paquets que mes lettres furent brûlées à son domicile de fonction à son départ du camp Séro Kpéra lorsqu'il quitta la direction de la CNPESE selon les témoignages que j'ai reçus de codétenus restés à Parakou.
CENAP BP 988 - COTONOU
Date d'arrestation : 31 Octobre 1985
Date de libération : 02 Septembre 1989
Motif : Affaire PCD
Centre de détention : Camp Ghézo Cotonou, Camp Séro Kpéra Parakou, Prison Civile de Ségnana.
1°- 31 Octobre 1985 : Je fus arrêté par trois hommes armés au service (Centre National d'Agro-Pédologie) à Agonkanmey sans présentation de mandat d'arrêt. Emporté au Camp Ghézo, je fus enfermé seul dans une petite cellule sans lumière. Privé de nourriture, j'y resterai sans contact avec mes parents jusqu'au 6 Novembre 1985.
2°- 2 Novembre 1985 : vers 23 heures après un bref interrogatoire, les bastonnades commencèrent pour finir vers 6 heures du matin sous la supervision de Gomina Fousséni, Alexis Babalao et Assavèdo Gérard. Les bastonnades étaient effectuées à l'aide de lanières en cuir, de câbles en fer et des bâtons. Le torturé est pris en compte par un "piquet" d'intervention composé de trois soldats au moins. Obligation m'était faite de ramper sur les coques de noix de palme afin que des énergies des tortionnaires ne soient pas "élissipées" selon leur propre dire.
3°- 6 Novembre 1985 : déportation à Parakou où nous fûmes enfermés au camp Séro Kpéra.
4°- 10 Novembre 1985 : suite à un bref interrogatoire la veille, Chabi Sika Karim et moi fûmes soumis à la bastonnades des commandos supervisés par Zinzindohoué et Babalao. Résultats définitifs et visibles : Chabi Sika Karim perdit sur le champ deux dents et quatre autres affectées. J'ai de mon côté trois dents affectées. Nous avons tous des gerçures et chéloïdes.
5°- 17 Décembre 1985 : déportation à Ségnana.
Arrêté le 6 Mai 1985 par les gardes de corps directs du Président Général Kérékou, vers 23 heures chez moi à Cotonou (Akpakpa) avec le camarade Paul FARADITO, j'ai été libéré le 2 Septembre 1989 suite à l'amnistie du 29 Août 1989. Avant d'échouer à la sinistre prison de Ségbana, je suis passé au palais présidentiel, au camp Guézo, au camp PLM de Cotonou, à la prison civile de Cotonou et au camp Séro Kpéra de Parakou. Quelques faits illustrent la misère vécue durant toutes ces années de détention illégale. Comment j'ai été arrêté ?
Au lieu d'une arrestation , on parlerait plutôt d'un kidnapping. Tenez : c'est vers 22 heures qu'un soldat de la garde présidentielle s'est présenté à mon domicile comme étant un homme venant de Natitingou et recherchait un étudiant du nom de Jacques, dont Gilbert Kassa connaîtrait la maison. Une petite fille de chez moi l'informe de mon absence en ajoutant que je ne tarderais pas à venir. Le soldat se retira momentanément. Vers 23 heures j'étais de retour quand la petite fille me chargea la commission du flic déguisé. Je finissais à peine de manger quand il revint. Je me présentai au salon et reconnut immédiatement le garde de corps qui continuait de se présenter en étranger. Faisant partie des meneurs de la grève des étudients et connaissant l'attitude du pouvoir à propos de la dite grève et vu que le 6 Mai nous avons mis le pouvoir en déroute, je compris tout de suite que c'était la chasse à l'homme qui a commencé. Je tentai une esquive en disant au flic qui feignait ne pas connaître, que Gilbert est allé passé la nuit au campus de Calavi, et que personne d'autre dans la maison ne connaissait la maison de Jacques en question. Le soldat fit semblant de se retirer pour revenir deux minutes plus tard avec un commando d'environ 6 militaires tous armés. Les militaires sont rentrés cette fois-ci dans la maison sans crier gare. Ils bousculaient tout sur leur passage. Ils foncèrent sur moi et sur mes parents (mon tuteur et sa famille) et commencèrent à me rouer de coups (giffles, coups de crosse de Kalachnikov et de coups de godasse). Je reçus un coup de godasse au nez et je saignai abondamment pendant qu'on continuait de me taper hors de la maison. On m'amena chez moi torse nu avec un short comme vêtement (sans chaussures). Je me retrouvai dans une camionnette 404 bâché gardée devant une buvette non loin de ma maison, que je venais de dépasser à mon retour sans soupçonner que c'était le véhicule des gens qui m'attendaient. Je retrouvai dans la camionnette un ami de village et de quartier qu'on venait aussi d'arrêter, Paul FARADITO. On nous embarqua pour le palais présidentiel où nous subîmes torses nus dans une salle fortement climatisée vers minuit, le premier interrogatoire dirigé par le capitaine N'tcha Jean en présence de Fousséni Gomina et autres. L'interrogatoire s'est déroulé vers 1 heure. Toutes les questions tournaient autour de notre participation à la grève des étudients et scolaires. Après l'interrogatoire, le capitaine Hountondji (impliqué dans le coup d'Etat de Kouyami) nous fit embarquer dans une land-rover pour le camp Ghézo pour moi et le Commissariat central pour Paul. Avant de partir du palais, Hountondji précisa qu'il faut nous abattre si nous tentions un départ ou si quelqu'un tentait de nous délivrer. On alla nous chercher le lendemain 7 Mai vers 23 heures pour nous amener au camp PLM que nous n'avions auparavant jamais connu comme prison. C'est Pascal TAWES qui s'est chargé personnellement de nous y conduire dans la Land-Rover bleue de la Présidence. Il intima l'ordre au chauffeur de faire de la vitesse au point où nous avons doublé dangereusement un titant au niveau de l'hôtel GL. Arrivés au PLM nous avons trouvé une quarantaine de soldats tous armés de Kalachnikov nous attendant. Tawes donna les instructions fermes de nous tenir dur et qu'ils seraient tous fusillés si quelqu'un d'entre nous s'évadait. Ce camp où on gardait précédemment sur l'ordre de Cissé les Maliens et les Guinéens arrêtés depuis 1982 pour trafic de drogue dit-on, devenait ainsi un camp de prisonniers politiques. Notons au passage qu'un chauffeur guinéen arrêté après l'évasion en 1984 d'un des guinéens, y a été torturé à mort.
Après le départ de TAWES, les tortures commencèrent. Elles ont pour noms : ramper ou marcher avec les genoux sur du goudron cancassé sous les coups de chicotte et de godasse des soldats. Le temps me manque pour aller dans les détails des tortures subies au PLM pendant 6 mois. Je ne citerai que quelques unes : tortures physique, bastonnades (au moins 4 fois par semaine) avec chicotte, bois, godasse, lanière et ceinturon. Sarclage parfois à coups de chicotte, balayage. Animation forcée en cercle la nuit au gré du chef de poste c'était la spécialité du sergent (Gniambossou). L'animation est souvent suvie de bastonnades. On peut vous réveiller à 00 heure pour animer pour les hommes de garde. Empêcher d'aller au W.C. qui est à un mètre de la cellule. Paul et moi par exemple étions tenus de manger en conséquence la veille de la garde des caporaux Pascal Koussémou et Saïbou Izatiou (déjà mort malheureusement). Ceux là, surtout Izatiou nous refusaient toute sortie pour nos besoins pendant qu'ils étaient de garde. C'était d'ailleurs systématique chez Saïbou. Il fut un temps où on devrait se laver une fois par semaine et cela les lundis à midi si les hommes de garde sont de bonne humeur. Il est arrivé qu'un lundi soit raté. Alors nous avons fait deux semaines sans nous laver et le jour où nous devrions nous laver, par malheur nous sommes tombés sur le tandem Saïbou-Koussémou. Au lieu de nous permettre de nous laver on nous a juste laissé le temps de nous mouiller le corps pour nous obliger à ressortir pour repasser devant une haie de soldats armés de chicottes. Avant de pénétrer dans les cellules, on a roulé au sol dans du sable. Refus de nous nourrir et imposition de carte d'identité spéciale délivrée au palais à tous nos visiteurs qui ne peuvent même pas nous voir. Tout ce qu'ils nous amènent doit transiter par les militaires qui prennent souvent une bonne partie avant de nous remettre le reste. Je me rappelle encore 5.000 F disparus sans trace, qu'un parent m'avait amenés. Il importe de mentioner le sadisme de Koussémou qu'on avait envoyé au camp PLM pour sa pratique exemplaire de la torture. Pascal Koussémou se plaisait à voir l'homme souffrir en faisant saigner des plaies provoquées par lui. La nuit du 4 au 5 Septembre 1985 reste un souvenir amer pour Paul et moi. C'est vers 19 heures qu'on commença par nous roder jusqu'à 23 heures environ, heure d'arrivée de Pascal TAWES qui avait commandé l'opération. Encore une fois, c'est Pascal Koussénou et Saïbou Izatiou qui ont dirigé l'opération ce jour. Je passe des détails de ce rodéo qui a été intense. A partir de 23 heures on devait avoir deux heures de repos debout et deux heures de torture jusqu'au lendemain à 19 heures. Mais dans la pratique, les militaires étaient fatigués de nous taper, si bien qu'ils gardaient debout jusqu'au lendemain à 6 heures. De 6 heures à 18 heures, nous avons sarclé sans manger dans une brousse malgré les entorses et plaies issues du rodéo de la veille. Il y a eu également des tortures morales : simulacre d'exécution la nuit. Injures répétées des soldats et mépris affichés par eux, nous transformant en des choses et non des personnes.
A partir du 31 Octobre 1985 commença une autre phase de notre détention. Transféré à la prison civile de Cotonou, nous avons été imposés au régisseur de la prison par le capitaine ZANKARO qui n'avait aucun papier légal pouvant justifier notre présence à la prison. Là, nous avons passé deux mois (31 Octobre 1985 - 10 Janvier 1986), toujours sans être nourris et dans des conditions insalubres qu'on connaît à nos prisons. La prison civile de Cotonou est le nid de toutes sortes de maladies. Donc la mort sévit durement là-bas. Une chose m'a manqué à cette prison. Nous avons un jour rencontré le Procureur Général du Parquet populaire central M. Tidjani Serpos à qui nous avons soulevé la question de l'illégalité de notre détention. Pour toute réponse, le monsieur nous dit que notre problème est un problème politique et que c'est le président de la république qui s'en occupe.
Le 10 Janvier 1986, on vint nous prendre à 6 heures du matin pour une destination inconnue. Nous avons pris l'avion pour Parakou (camp Séro Kpéra où Zinzindohoué Clément le chef-tortionnaire régnait en maître absolu). Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'Etat a commencé par nous nourrir et comment ? Moi je n'ai pas subi de tortures corprelles à Parakou, mais j'ai vu des gens perdre par exemple leurs dents. Le cas de Biaou Léopold. Des gens ont le corps couvert de kéloïdes. Le cas de Chabi Sika Karim et de Baparapé Aboubacar pour ne citer que ceux-là. Les mêmes tortures morales qu'à Cotonou sont valables. Ici, on menace de vous envoyer à Ségbana, espérant que cela vous ferait paniquer. C'est ainsi que le 25 Février vers 4 heures du matin on vint m'embarquer avec un certain nombre de camarades pour Ségnana où nous avons retrouvé les camarades le moral très haut dans une prison non aéré.
A Ségbana, il n'y a pas de bastonnades tout simplement parce que les détenus sont en nombre suffisant pour s'opposer aux soldats, mais au départ on nous enfermait systématiquement. C'est avec nos luttes qu'on a réussi à rester dans la cour intérieur même la nuit, mais après que des gars ont piqué des crises par manque d'oxygène dans les cellules. Nous n'avons eu droit à la visite qu'en Août 1988 et cela après plusieurs luttes des détenus, des démocrates, des communistes et des parents des détenus (surtout les femmes. Je leur en sais une fois gré). Le temps me manque pour parler des différentes luttesque nous avons menées soit contre les geôliers en place pour l'amélioration de nos conditions de détention, soit contre le pouvoir pour notre libération, ou notre jugement dans des conditions internationalement reconnues.
Que ce soit à Cotonou, à Parakou ou à Ségbana, les autorités ne se sont jamais préoccupées de nos problèmes de santé. C'est ainsi que j'ai traîné des maux d'oreille de 1985 jusqu'en 1988 où j'ai été guéri par le CICR. C'est ainsi aussi qu'à Ségbana des camarades malades qui devraient être évacués sur Parakou ou Cotonou ont attendu un an avant d'être évacué à Bembérékè après une violente protestation qui a fait intervenir le ministre de l'intérieur d'alors, Edouard Zodéhougan.
A Ségbana, la souffrance est permanente. Pendant l'harmattan, il fait très froid et pendant la chaleur les prisonniers souffrent de jour comme de nuit. Décidément le temps me manque pour préciser certaines choses que j'ai vécu là-bas. Par exemple, se laver avec un demi pot d'eau le matin et demi seau d'eau le soir ; les geôliers coupent les arbres pour nous empêcher d'être dans la cour extérieure, etc...Je souhaite que d'autres amis donnent des détails dans leurs rapports. Même après l'annonce de l'amnistie à la radio, il fallut encore exercer une pression sur les autorités pour être libérés.
Au total, notre détention s'est opérée dans l'illégalité la plus absolue au mépris des droits élémentaires de l'homme. Je salue le peuple Béninois qui a lutté pour notre libération. Je souhaite vivement que les luttes aboutissent à l'instauration d'un véritable Etat de Droit dans une république démocratique moderne où toutes les libertés seront garanties. J'exige que justice soit rendue et que les chefs tortionnaires ou exécutants soient châtiés à la hauteur de leurs crimes.
Il m'est difficile d'évaluer le préjudice qui m'a été causé avec les tortures physiques et morales, quatre ans et demi de détention illégale entraînant ainsi la perte des années scolaires et les conséquences de faiblesse générale de l'organisme dues aux mauvaises conditions de détention. Je sollicite les spécialistes en la matière pour m'aider à évaluer les dommages et intérêts.
J'exige à être dédommagé immédiatement par ma réintégration normale dans la vie active.
N.B. : Quelques noms de tortionnaires qui ont fait leur preuve à Parakou :
Adjudant ZATO, Caporal OLO, Caporal infirmier SOSSAMINOU, Capitaine AGONKAN, et leur chef le Colonel Clément ZINZINDOHOUE.
Motif : Affaire U.C.D.
Les arrestations de Août-Septembre 1976.
1-1. Les personnes arrêtées et détenues :
GOUDALO Léon
DOSSOUMON Abel
DJEGUI Narcisse
KOKODE Gaston
KPATOUKPA Lazard
ELEGBE Martin
de MEIDEROS Nicolas
ADJALIAN Blaise
KOGBE Ruben
OGOUMA Benjamin
NONVIGNON Louis
1-2. Les parents arrêtés
Mère, cousine et autres parents de Narcisse DJEGUI bien que ce dernier ait été déjà arrêté, menace d'arrestation des parents et autres.
II Commission chargée de l'Affaire U.C.D.
a) Les Commissaires de Police :
GUININKOUKOU Marc
JOHNSON Darius
GODONOU Pierre Claver
b) Policiers et Soldats associés :
CHOROE Martin et bien d'autres policiers du commissariat central de Cotonou.
c)Tortionnaires zélés :
GUININKOUKOU Marc en personne a dans son zèle à torturer et arracher des "aveux-cassé son bâton en planche ("parmatoire") sur le derrière (les fesses) de Léon GOUDALO qui déjà était bien chétif.
JOHNSON était zélé dans les ordres donnés pour torturer les détenus.
GODONOU l'était aussi, peut-être un peu moins que les deux autres, mais il l'était tout de même.
Tous les policiers et soldats qui étaient sous les ordres de ces chefs n'étaient pas que des zélés mais purement et simplement de véritables sauvages.
Martin CHOROE quant à lui, montrait quelque scrupule à certains moments.
Les arrestations ayant été effectuées aussi bien à Cotonou qu'à Comè, Lokossa, Dassa, les agents des commissariats, gendarmeries et douanes de ces divers endroits ont participé aux tortures avant même que les détenus aient été conduits à Cotonou.
III Lieux de détention
a) Sûreté Urbaine de Cotonou (S.U.C.) (Commissariat Central de Cotonou) - Violons 1 et 2.
"Violons" bien célèbre (le n°2 surtout) connus de tous ceux qui y ont passé quelques jours. Dans le cas d'espèce, certains y avaient séjourné pendant plus d'un mois et demi.
"Maison Blanche"
Après la période des interrogatoires et des tortures.
b) Commissariat de Gbégamey "Grille".
c) Commissariat de Jéricho "violon".
d) Camps militaires de Ouidah, Dan et Ouassa (chez les para commandos).
IV- Durée de détention
Deux ans dont :
trois mois et demi dans les commissariats, trois semaines au camp militaire de Ouidah, 19 mois dans les camps para commandos de Dan et de Ouassa.
Les séjours dans les camps des para commandos étaient des séjours de "détenus indisciplinés" devenus (contraints à être) des recrues au compte d'un service militaire obligatoire, et traités comme tels. Dans le langage militaire cela signifie : à traiter avec moins d'égard que des animaux : et ce le fut avec quelques variantes d'un chef militaire à l'autre.
V Instruments et méthodes de tortures
a) Instruments : lanières, bâtons en caoutchouc des policiers, bâtons en Planche.
b) parties des corps maltraitées : tout le corps.
c) Méthode de tortures physiques : Rodéo, pompes et bastonnades, interdiction de se laver, alimentation à la charge des parents qui, pour la plupart, étaient bien loin de Cotonou. D'où l'alimentation était aléatoire. Ceci se passait essentiellement pendant le séjour dans les commissariats. Etant entendu que dans les camps militaires, les détenus devenus militaires étaient nourris au bouillon du soldat.
d) Tortures morales :
interdiction de visite des parents et amis essentiellement pendant la première moitié du séjour dans les camps militaires, les catastrophes dans les familles des détenus, maladies des parents fils des détenus, décès successifs de parents chers demeurés sans nouvelles de leurs enfants, neveux, cousins, parents chers qui se sont plaints jusqu'à leur dernier souffle de ne pouvoir les revoir au moins une dernière fois, scolarité râtée pour enfants, neveux et nièces, menaces de tortures et d'arrestation de parents innocents.
VI- Séquelles des tortures et de la détention - les dommages : chéloïdes indélébiles sur le corps des détenus, chéloïdes traumatisants pour les uns, pour les autres, ils les ont vu disparaître avec le temps, les maux d'yeux pour coups et blessures reçus, incapacité de s'asseoir et de mouvoir certaines parties du corps pendant longtemps, traumatisme dû aux mauvais traitements devant des parents, traumatisme dû aux tortures, les scolarités râtées pour certains détenus alors élèves, et les année perdues pour tous (scolarité, carrière).
Les dommages :
Les dommages sont donc grands et difficiles à évaluer tant les séquelles dues aux tortures physiques et morales reçues pendant ces affreux et traumatisant moments se poursuivent encore aujourd'hui.
Date d'arrestation : 26 Juin 1985
Date de libération : 1er vril 1989
Centre de détention : Brigades de gendarmerie de Savè et d'Abomey, Petit Palais à Cotonou, Commissariat de Cadjèhoun (Cotonou), Camp Séro Kpéra (Parakou), prison civile de Ségbana.
Le syndicat légal de l'Etat ne prenant en charge nos problèmes, nous nous sommes engagés à créer un nouveau syndicat, en clandestinité. Le 22 Juin 1985, une de nos publications a été trouvée chez un ouvrier qui, sous la pression, a déclaré l'avoir reçu de moi. Sur ordre de l'Adjudant QUENUM (son prénom m'a échappé) je fus également arrêté le même jour vers 15 heures par le soldat de deuxième classe BIO.
A la Brigade de la sucrerie, je suis passé à l'interrogatoire où je n'ai rien nié à propos du tract à l'ouvrier. Après avoir été frappé férocement, je suis enfermé dans un container sans rien manger.
Le 24, Juin, je suis conduit à la brigade de la ville Savè, ce jour-là, c'est face à face avec le Chef de District AIKPE. Devant celui-là, je n'ai laissé entendre aucun brin de vérité concernant mon syndicat. Déchaîné comme un chien enragé, ils (AIKPE et ses proches) se sont jetés sur moi et j'ai été sérieusement maltraité.
Le 25 Juin 1985, une délégation spéciale a quitté la compagnie d'Aboney pour Savè et dirigé par le capitaine OGOUTCHOLA Dossou Irénée. Cette délégation a pour mission de m'exterminer j'allais dire, car tout juste à mon entrée dans la salle où sont placés ces hommes, ils se sont jetés sur moi. J'ai été trop molesté, les coups de bâtons retentissent par là, les cravaches par ici, les rangers de l'autre.
J'ai des cassures crâniennes, qui d'un moment à l'autre, me font du mal. Les cicatrices sont indélébiles. Quand je tombe en agonie, ils m'exposent à l'air libre et si je reviens à moi, ils recommencent leur gattue. En ce temps, OGOUTCHOLA Irénée a laissé entendre cette phrase : "les communistes ne crachent jamais la vérité, c'est leur méthode de travail". Ainsi, il a donné l'ordre à ses subordonnés de me tuer. Vraiment j'ai été sauvagement bastonné.
Le 26 Juin 1985, je suis ramené à la compagnie d'Abomey où j'ai subi sauvagement les châtiments corporels. Le 27 Juin, je suis transféré au Petit Palais. Du Petit Palais, je suis allé au commissariat de Cadjèhoun. Là j'ai eu de sérieux problèmes aussi. Comme je n'ai pas de liberté pour aller au soin, les plaies se sont infectées. Ma tête s'est enflée, et tout mon corps sent. Il a fallu l'intervention de mes parents pour me sauver de cette mort inévitable. Ils ont dépensé environ 80.310 francs CFA.
De même, dans ce commissariat, j'ai souffert de dermatose. Mes parents se sont endettés et ils ont dépensé 30.850 francs cfa. Cette maladie n'a pas cessé. Elle continue de me menacer actuellement. En Août de la même année, j'ai été au C.R.I. où j'ai été chauffé aussi.
En Décembre 1985, j'ai quitté Cotonou pour Parakou pour tomber dans les mains du commandant (grade d'alors) Clément ZINZINDOHOUE président de la Commission Permanente de Sécurité d'Etat qui, lui aussi, a fait son temps.
En Janvier 1986, je sui envolé pour Ségbana. La dermatose m'a de nouveau menacé. Avec l'aide de certains camarades arrêtés, j'ai dépensé 5.000 francs cfa pour calmer un temps soit peu ce mal.
En Juillet 1986, je suis ramené à Parakou. Là j'ai eu des maux d'yeux. L'analyse et le traitement m'ont coûté 50.090 francs cfa
Le 1er Avril 1989, j'ai été libéré. Durant ce périple, toutes mes choses sont gâtées. Ma femme est partie. Tous mes documents sont foutus. Ma chambre s'est écroulée. Les feuilles de tôles emportées par le vent. Le travail perdu. Arrivé à la maison, je suis à la charge des parents qui eux-mêmes cherchent celui qui peut leur donner à manger.
Profession : Etudiant
Demeurant à : C/184 B Cotonou
Date d'arrestation : Mars 1976 en 1978 puis 19 Juillet 1985
Date de libération : 03 Septembre 1989
Centres de détention :
Commissariat Central Cotonou, Camp Guézo, Hôtel PLM Alédjo Cotonou, Camp Séro Kpéra Parakou, Prison civile de Ségbana.
Ma première arrestation remonte à Mars 1976. J'étais alors arrêté et détenu avec huit (8) autres de mes camarades, tous signataires d'articles très peu conformistes dans le journal scolaire du Cours Secondaire Protestant Cotonou, journal alors baptisé "Cabral".
Nous nous étions retrouvés à près d'une cinquantaine dans une cellule lugubre (2,5 mètres sur 3 ou 4 mètres environ) sans lumière et sans aération mais avec un seau dans lequel nous devions faire tous nos besoins qui n'attendent pas. Tous les matins à 7 heures 30, mes camarades et moi étions emportés de la Sûreté Urbaine de Cotonou où nous étions gardés, à la Compagnie Républicaine d'Intervention. Là-bas nous subissons une séance de torture pendant quatre heures. On l'appelle le "rodéo".
A midi, nous sommes autorisés, je dirai obligés de nous laver, de mettre des vêtements propres car les parents qui nous apporteront à manger ne devraient rien remarquer. Nous déjeûnions et nous nous reposions jusqu'à 16 heures, quand commencent les cours d'idéologie, véritables séances d'endoctrinement.
Nous avons subi le rythme pendant deux semaines : Après quoi le Ministre de l'Intérieur, c'était Monsieur Azonhiho, nous rencontra et nous libéra en nous disant d'apprendre à nous tenir tranquilles, que ceci était un avertissement.
Deux ans après, je me retrouvai encore dans une cellule lugubre dans un commissariat de Cotonou, soupçonné d'avoir distribué des tracts. La police avait à charge de me le faire avouer et de me faire dénoncer mes éventuels acolytes. Une seule méthode : la torture.
Le 19 Juillet 1985, la police débarque dans ma planque, l'encercle et me capture. Trente minutes après, je me retrouve avec deux autres de mes camarades dans une cellule du Camp Guézo de Cotonou. Ainsi commence ma plus longue détention, mais aussi la plus éprouvante qui dura jusqu'au 30 Août 1989.
L'isolement et la faim ont été les deux premières épreuves à vaincre. Nous étions gardés sans uacun contact avec l'extérieur. Seuls les militaires qui nous gardaient pouvaient nous voir. Et même eux, il leur était formellement interdit de bavarder avec nous. Personne ne devrait approcher notre cellule.
Du vendredi où nous sommes arrêtés au lundi, nous avons été soumis à une diète noire : pas de nourriture. Ce n'est que le lundi soir que nos parents ont commencé par nous amener à manger. Et ils le déposaient au poste de garde. Ce sont les militaires qui ouvrent notre cellule et nous glissent le manger.
Le lundi matin vers 11 heures, nous étions là quand le chef de poste, un Caporal, ouvre la cellule et nous enlève tous nos vêtements. Nous n'étions alors qu'en slip, contraints à nous asseoir et nous coucher à même le sol. Pas un pagne dans la cellule. Nous étions quasiment nus dans le froid de Juillet-Août, livrés en pâture aux moustiques qui en animaient comme des abeilles dans une ruche.
Dans l'aprè-midi, un Adjudant du Petit Palais débarqua avec des menottes et m'enchaîna dans les mêmes menottes que mon compagnon WANTCHECON Léonard. Son poignet droit était enchaîné à mon poignet gauche. Figurez-vous que pas un seul mouvement nous ne pouvions faire l'un sans l'autre. Nous y sommes restés pendant deux semaines. Quand les menottes nous tombèrent des mains, les tortures n'en montèrent pas moins d'un cran.
C'était un vendredi à 9 heures, nos bourreaux, les lieutenants ZANKARO Moumouni et TAWES Pascal, arrivèrent nous extorquer des aveux. Après deux heures d'interrogatoire sans suite, ils décidèrent de nous infliger une torture très simple mais bien raffinée, efficace à leur goût.
C'est le garde-à-vous, bras au corps. Ils nous imposèrent de garder cette position jusqu'à ce que nous nous soyions décidés à leur dire ce qu'ils appellent la "vérité". Ils déposèrent au poste de garde du papier, un stylo et des consignes fermes : 15 minutes le matin pour les besoins et le petit déjeûner, 5 minutes le midi pour le déjeûner et 15 minutes le soir pour le dîner. Tout le reste du temps au garde-à-vous. La nuit y compris.
Pas da sommeil. Sur qui somnole , on verse de l'eau et il est manoeuvré s'il persiste. D'ailleurs la nuit, les militaires versent de l'eau dans la cellule . Il faut vous le dire, tout le temps que durera cette torture, la porte de la cellule était ouverte, et les soldats se relayaient en faction devant nous à surveiller si nous gardions bien le garde-à-vous.
Vendredi soir, tous nos corps étaient complètement endoloris. Nous n'étions plus que des statues debout. Nos têtes tombent qui derrière, qui de côté, qui devant. A ces signes de fatigue, nos gardes nous obligèrent à chanter, danser; autrement c'est le rodéo.
Samedi : nous étions complètement à bout. Nos corps ne suivaient plus, seuls nos esprits tenaient bon. Moi je n'avait jamais souffert des hémorroïdes. Mais ce jour-là, mes hémorroïdes sortirent de plus de 5 centimètres. Alarmés, les gardes me transportèrent au dispensaire de la garnison. Là, je n'ai reçu aucun soin. L'infirmier de garde demanda aux gardes de me ramener en consultation le lundi. J'ai fait le déplacement dans mon seul et même slip. Je retournai à mes camarades comme j'étais parti.
Dimanche : le martyr continue pour nos corps. Vous savez, lorsque les douleurs dépassent un certain seuil, l'on devient insensible.
Lundi : dès 8 heures, ZANKARO et TAWES débarquèrent, s'enquérir si nous avions fait des déclarations. Puisque la réponse était non, ils ordonnèrent aux militaires de garde de nous sortir dans la cour. La plus terrible séance de rodéo que j'ai jamais subie dans ma vie allait se dérouler. Figurez-vous après trois jours, trois nuits de garde-à-vous, étions-nous vraiment des hommes debout ?
ZANKARO et TAWES :
"Allez les gars, sortez-les, armez-vous de chicottes. Allez chercher des bâtons, ils apprendront à se taire,ces sales communistes". C'était le branle-bas total dans le secteur. Qui allaient chercher des branches d'arbres, qui des lanières, qui de chambre à air de pneus, qui de gros bois de chauffage. En position départ, nous étions sur la même ligne et chacun avait au moins trois militaires pour s'occuper de lui.
ZANKARO et TAWES :
"Roulez, roulade avant, allez vite ! aidez-les et que ça gicle !" Et ça giclait, le sang aussi. A chaque roulade, nous étions roués de coups de fouet. Le soldat qui était directement derrière chacun de nous "aidait" accompagnant chaque roulade de coup de pied chaussé de gaudasses en cuir, ferrées à la semelle. A chaque coup une blessure sur le dos. Le dos complètement ensanglanté, nous devions retourné très vite au départ, très vite pour des gens déjà à bout.
Mais après quelques tours, il devenait impossible de bouger. Et là, c'est des coups de pieds et de bâtons, chicottes et autres lanières qui par leur force terrible nous faisient bouger. Quelques cris nous échappaient, loin d'attendrir nos bourreaux, ils s'en excitaient plutôt.
Faisons justice. Mais à part quelques zélés, l'on ne lisait pas la joie de maltraiter dans les yeux des soldats. Mais les chefs étaient là, on les nommait ZANKORO et TAWES. Il disent avoir reçu l'ordre du commandant N'TCHA de nous tuer si possible, si les aveux ne tombent pas.
Les chefs étaient donc là, donnaient les ordres, et il fallait exécuter. Bon gré mal gré, ils l'ont fait, bien fait même.
ZANKARO et TAWES :
"Ca va les roulades. Continuez au tonneau. Après le dos, ce sera les côtés qui seraient exposés aux matraques. Rampez maintenant ! "
Nous, comme nous étions, n'ayant que nos cache-sexe, nous ramions dans du sable plein de cailloux, de tessons de bouteilles et jonché de dalles qui couvraient les fosses sceptiques. Il suffit d'un tour et le tout est joué. Tous les coudes et les genoux étaient déshabillés de leur peau. La suite ! Et bien, sur ces genoux nous devions marcher.
Ici, le terrain de jeu est très limité, les dalles découvertes avec quelques grains de sable et de cailloux. Chaque pas de genou résonne dans notre tête, et à ce signal répondent des coups de gourdins qui nous tombent de tous les côtés, sur la tête, les épaules, nous étions assommés, momentanément abassourdis.
Le temps de reprendre connaissance, les ordres reprenaient d'ores et déjà. "Allez ! Marchez : et que ça gicle !"
Après quelques répétitions de cette série, ils augmentèrent d'un.
TAWES et ZAKARO :
"Allez chercher des briques, chargez leurs dos et faites les ramper." Quelques tours après notre dos était déchargé et les épaules les portèrent pour rendre plus pénible la marche sur les genoux dans l'épreuves qui devrait suivre. Nous ne portions plus de peau ni sur les genoux ni sur les coudes. Nos tibias étaient déchiquetés, l'un d'entre nous, mon ami WANTCHECON Léonard a même reçu un coup de barre de fer au tibia qui a laissé une plaie profonde, sur cinq centimètres environ.
De guerre lasse, nos bourreaux retournèrent dans des cellules individuelles les cadavres que nous étions presque, car nous avions frolé la mort de très près.
Cette journée marque le début des tortures physiques directes. Chaque jour apportait son lot de brimades et de tortures. Tous les jours, nous allions sarcler et nettoyer les espaces libres du camp. Un jour nous avons subi un rodéo public que j'appellerai - excusez-moi, car les autres le sont aussi-gratuit. Nous avons sarclé toute la journée, garde chiourme au cul, kalachnikov et chicottes au poing, de 8 heures à 18 heures avec une heure de pause pour le déjeûner.
A 18 heures, nos deux bourreaux débarquèrent. Nous étions encore aux abords de la mare dont nous avons dégagé les herbes dans la journée. C'est en plein centre du camp.
Au moment où les soldats s'apprêtaient à rentrer et où les visites arrivaient aux détenus. Nos parents étaient arrivés aussi et attendaient devant "la semaine" d'où ils nous avaient à l'oeil. C'est justement parce que nos gardes nous ont laissés traîner un peu après 18 heures que nous avons pu voir nos parents qui jusque là n'avaient jamais pu nous toucher des yeux.
Ils auraient dû ne jamais arriver, car ce qu'ils virent ce jour était atroce, inouï, complètement impensable. Pour leur plaisir, pour nous humilier devant nos parents, il y avait : mères femmes et enfants et pour faire de la peine à ces personnes, ils improvisèrent une séance de rodéo.
"Jetez-vous à l'eau et nagez comme du poisson. Tout à l'heure nous ramperons comme des crocodiles."
C'est trempés jusqu'aux os qu'ils nous ordonnèrent de nous jeter à terre pour notre dose de ce soir là. Le spectacle était affreux. ZANKARO et TAWES jubilaient, riaient, jouissaient profondément de nous voir rouler, ramper, marcher sur les genoux, crier sous les coups de bottes et de chicottes des gardes.
Nos parents étaient abattus, meurtris et n'ont pu s'empêcher de rouler à terre devant cette horreur. Sur le visage des soldats du camp qui ne participaient qu'en spectateurs au rodéo, l'on lisait plutôt la révolte et l'indignation contenues. Nos gardes affirmaient un zèle apparent en présence de leur chef, mais n'en exécutaient pas moins bien les ordres qu'ils recevaient.
Ils cognaient dur et nous les sentions dans notre chair et notre âme. Aussitôt leurs chefs partis, les militaires du camp Guézo et nos gardes venus de la présidence se rassemblèrent autour de nous et nous témoignèrent leur compassion. C'était émouvant. Certains pari nous ont coulé des larmes, pas de douleur mais d'émotions. Ils nous consolèrent et nous encouragèrent à leur manière.
Le camp militaire PLM est, au Bénin de Kérékou, ce que le camp BOIREAU fut en Guinée de Sékou Touré. Le camp Boireau fut, mais le camp PLM est encore. Rien de particulier, mais aussi rien de militaire dans ce camp si ce n'est les hommes.
Quelques beaux bâtiments, l'on dirait des bureaux d'une entreprise bien fleuri. Les allées, toutes de granits concassées recouvertes, soigneusement tracée, des jardins parsemés de fleurs toujours bien entretenues confèrent à cette mystérieuse maison une apparence gaie et rayonnante. Toutefois, à l'entrée de la maison, quelque chose vous choque : une petite batisse isolée de construction forte qui vous donne du frisson dans le dos au seul aspect qui s'offre à votre vue. Ce sont là les deux cellules qui font la triste réputation du camp PLM.
Mes camarades et moi avons été transférés là le 15 Septembre 1985. Nous avons quitté à des dates différentes. En tout et pour tout, moi j'y est passé exactement un mois avant d'être transféré au camp Séro Kpéra le 15 Octobre 1985.
Si survivre aux affres de la détention est héroïque, alors je peux dire que mes camarades et moi avions vécu une épopée. Nous en avons vraiment vécu. Voyons quelques temps forts.
Les premiers jours de notre arrivée, à 16 heures environ, alors que nous étions déjà parqués comme des bêtes sans vêtements ni couvertures les cliquetis des armes et des clés nous mirent sur le qui-vie, la porte de la cellule s'ouvre et une dizaine environ de soldats rentrèrent.
"Mettez-vous en rang, ici il faut toujours être en ordre. Et vite". Nous nous mîmes en rang et avions eu droit à un discours digne d'un chef nazi. C'était le Caporal KOUSSEMOU qui arriva voir ceux qu'il a à dresser si jamais il ne les tuait pas plutôt.
"Présentez-vous un à un", nous ordonna-t-il, sa cravache en main. A votre nom, il vous arrose de coups de cravache. Parfois aidé de ses soldats, quand nous finissons aussi. Nous étions sept dans notre cellule. Et le Caporal KOUSSEMOU de se présenter le dernier : "Je suis le Caporal KOUSSEMOU, je suis payé pour tuer. C'est un métier, et si jamais vous sortez d'ici vivant, ce sera tout redressé".
A ces mots, tous se jetèrent sur nous avec lanières, branchages, cravaches, ceintures, dans un assaut brusque puis reprirent en nous disant : "voilà le baptème. C'est pour vous souhaiter bonne arrivée". Et un autre calvaire commença ainsi.
La première nuit à 20 heures, 21 heures, nos montres ont été arrachées. Ils nous ouvrirent pour nous sortir et nous disposèrent en rang. C'était pour une séance d'animation. Nous chantions les louanges du pouvoir et dansions au rythme de nos mains. Qui danse est fouetté. Comme l'objectif est de fouetter, tous nous dansions mal.
Cela a duré des heures pour finir par un rituel. Il y a un chant bizarre dont l'air et les paroles m'échappent qu'ils nous apprirent. Nous sommes en cercle, n'est-ce pas ? Assis ils nous ordonnèrent de nous accroupir et de baisser la tête. Nous offrions bien notre dos.
A cadences régulières, les militaires qui tournaient derrière, nous arrosèrent de coups, de chicottes. Chacun un coup de chicotte à la foi et à chaque cadence. Tous nous jubilons. Les militaires de joie, la joie de nous arracher des plaintes, nous de douleurs : c'est à faire remuer Sade dans sa tombe.
Des nuits comme celles-là ont été nombreuses. Nous avons passé une semaine sans nous laver. Nous l'avons souvent demandé, sans suite. Mais lorsque l'on nous l'accorde, nous l'avons presque regretté. L'on baptise pour tout au PLM. Même pour la douche. Une semaine après notre transfère, l'on vient nous ouvrir en plein midi, pour aller nous laver. C'est tout un cérémonial.
A l'appel, nous répondions et sortions un à un . A la sortie de la cellule, chacun de nous dépose ses effets de toilettes, et sur une distance d'environ trente mètres, il rampe sur le ventre, les coudes et les genoux dans une allée couverte de granites concassés à arêtes vives. Ce n'est pas tout. Il y a sur tout le parcours une haie de deux colonnes de militaires armés de bâtons et qui à coups secs nous aident à aller vite. Au retour, nous marchions sur les genoux. Donc qui finit cette épreuve retourne à la case départ devant la cellule.
Les douches sont à cent mètres environ au fond du camp. C'est alors que nous prenons nos effets de toilette, traversons la colonne qui s'est allongée jusque dans la douche, et en grande foulées sous les coups de bâtons, de poings et de crosses, nous filions à la douche. En cinq minutes, nous devrions avoir fini. En tout cas de temps en temps les bâtons venaient nous rappeler sous l'eau que nous devrions nous presser. Après le bain nous retournons sur nos genoux en sueur les pieds un peu plus sales qu'avant. Baptême d'eau !
De temps en temps l'on nous sortait en slip toujours entre 4 heures et 8 heures pour sarcler la devanture de l'hôtel PLM Alédjo, les kalachnikovs et les bâtons ne sont alors jamais oubliés.
Pas d'oeufs dans les repas, le nombre de morceaux de viande est limité. Les surplus aux gardes ! Les effets de toilette sont détournés. Quand nous n'étions pas prêts de mourir, pas de médicaments et ce sont les parents qui nous les achètent. Les vêtements sont interdits, les visites, jamais.
Lorsque par mégarde l'on vous surprend en train de regarder par les oeillades de la porte de la cellule aux heures où les parents amènent à manger, à leur départ nous avons droit à un rodéo sec. Tous les prétextes sont bons pour nous torturer ; d'ailleurs sans prétexte, ils nous torturent déjà.
Voilà quelques aspects de notre détention au PLM.
Un mois après mon transfert, j'ai transité par le camp Séro Kpéra avant de faire partie du premier contingent des détenus à inaugurer le 06 Novembre 1985 la prison civile de Ségbana.
35 ans, Administrateur du trésor
Date d'arrestation : 1979, à la suite de la grève des étudients, 1985 à la suite des opérations dites de démentèlement du PCD. 1990 à la suite de la grève des travailleurs.
Divers lieux de détention :
1979 : Sûreté Urbaine de Cotonou. 1985 : Poste 200 au Camp Guézo, Parakou, Ségbana. 1990 PLM Alédjo, commissariat central.
Description des faits :
- 1979 : appréhendé à 23 heures à la place de l'Etoile Rouge par les agents du Petit Palais. Gardé sans contact après les perquisitions effectuées le lendemain. Rodéo suivi de coups et blessures chaque matin et ceci avant l'interrogatoire qui ne débuta que trois semaines après.
Tortures morales au cours des interrogatoires et exercice des traveaux dégradants comme : balayage avec les mains, lavage des wc avec les mains.
-1985 : appréhendé aux environs de 10 heures au Palais de la Présidence et conduit immédiatement au poste 200 du camp Guézo. Transféré le 06 Novembre 1985 à Parakou puis à Ségbana. Après 40 jours de séjours suivi surtout de tortures morales et de corvées à Parakou. A Ségbana, les conditions de vie sont inhumaines. Au cours du trajet, j'ai eu un déhanchement qui périodiquement se répète.
-1990 : arrêté à 6 heures du matin puis conduit au PLM Alédjo. De 7 heures à 12 heure ce 07 Janvier 1990, ont débuté les tortures. Mouillé dans l'habit sous le robinet par le soldat de 1ère classe GBEVONON Charles, je devais faire des roulades sur une longue distance très rocailleuse avant de commencer par recevoir des coups de poings, de bâtons de courroie de plusieurs soldats à la fois dont les plus zélés étaient :
- OKE Sènangnon Sergent
- KOUAKOU Théodore 1ère classe
- HOUEHOU Valentin
- ODO Norbert
Tout ceci sous l'oeil vigilant du sergent chef Gbéssa Chabi. Roué de coups pêle mêle, il fallait creuser alors un trou à ma taille. Muni d'une pêle, et fatigué déjà il fallait se mettre à la tâche sans observer une seconde de pause. Au cours de ce travail forcé GBEVONON Charles arrache avec sa main mes cheveux, m'en met une touffe à la bouche. Le sergent Oké devait y ajouter une pierre à croquer et à appeler bonbon. Dans le tronc, le dos, le cou, la tête étaient les meilleures cibles. Houého Valentin avec une houe à manche en fer quant à lui préfèrera la hanche. Le troc ayant atteint les épaules, il fallait ramasser le sable avec un panier tout en prenant soin de ne pas gémir. Les tortures devraient reprendre le lundi 08 Janvier 1990 de 4 heures du matin à 8 heures avec l'équipe du soldat DJIDONOU Anatole qui fût le maître à jouer véritable. Rodéo, roulade sur le goudron, appui avant etc, etc.. étaient le menu agrémenté de fouets dans le nouveau trou creusé à l'entrée du camp PLM. J'étais enfermé 22 heures sur 24. Les 2 heures servaient pour les corvées le matin et l'après-midi. J'ai eu droit à la toilette après une lutte âpre avec la commission qui avait été dépêchée le 4ème jours pour m'entendre. Deux fois de suite une équipe du Petit Palais dans laquelle se trouvaient deux femmes photographes est arrivée prendre mes vues. A ce niveau on peut noter les tortures morales de cette scène. Comme le montre l'examen médical ci-joint ainsi que les deux photos prises juste après ma libération, il est question d'un traumatisme crânio-cervical, des plaies au niveau du rachis cervical. Au niveau du tronc, des plaies multiples zébraient les faces antérieures et postérieures du thorax et de l'abdomen sont encore lisibles jusqu'à ce jour de même que les plaies multiples cicatrisées au niveau des deux bras, coudes et avant-bras. Les tortures de DJIDONOU Anatole ont causé surtout la tuméfaction douloureuse (contusion) du creux poplité gauche puisque ce soldat s'est trouvé beaucoup plus de plaisir à taper ce creux poplité.
Toute l'histoire avait commencé le 04 décembre 1987 quand la police a arrêté le père de Rémi, monsieur Marcelin C. AKPOKPO, parce que son fils a publié un papier appelant la population d'Abomey des environs à exiger la libération des fils de la région arrêtés depuis des années et détenus pour leurs opinions sans jugement ni inculpation, à apporter des aides à leurs familles et eux-mêmes, des aides à ceux pourchassés vivant en planque et à leurs familles et des aides aux familles exilées. On le menaçait à tout moment pour qu'il dénonce là où se trouvait son fils qui diffusait des papiers à l'encontre du régime despotique de Kérékou.
Le père est mis au violon du commissariat central d'Abomey, est sans contact contraint de se coucher à même le sol sans habit. Le vieux tient ferme et pour justifier la répression qu'il abattait sur lui, le capitaine OGOUSHOLA Iréné, trouva que les aides et lettres des défenseurs des droits de l'homme à travers le monde (les militants d'Amnesty International) trouvés chez lui sont illégales et que du coup le vieux jouait le rôle de complice du mouvement révolutionnaire. Alors OGOUSHOLA justifiait les tortures physiques et morales qu'il faisait subir au vieux de Rémi.
Le 08 décembre 1987, les capitaines TOSSOU et HOUNTIN sont descendus pour m'arrêter, je suis le père du camarade et ami de combat de Rémi, et m'appelle vieux Yaya Bagnikan MALEHOSSOU. Je suis incarcéré sans contact et privé de nourritures que ma famille m'apportait. Ils voulaient savoir où se trouvait mon enfant et son ami Rémi dont l'évocation du nom m'oblige à méditer une minute pour voir si ceux qui l'on assassiné crapuleusement pourront bien être châtiés un jour. Dans tous les cas, je compte sur la détermination du peuple combattant.
OGOUSHOLA Irené affirmant que c'est moi qui transmettais les lettres à mon enfant et que si je ne dis pas là où il se trouve qu'il va me tuer. Deux semaines après un tel interrogatoire, KESSO Sébastien en compagnie d'un certain nombre de gendarmes m'ont fait sortir de la compagnie pour me torturer sauvagement. La même nuit, ils ont arrêté mon enfant et son ami Rémi.
Le capitaine OGOUSHOLA et certains gendarmes dont j'ignore les noms sont partis perquisitionner dans ma maison à mon insu et ont cassé les choses et mis tout en désordre. Personne n'a su ce qu'ils cherchaient.
Quelques jours plus tard, ils sont allés chercher mon fils et OGOUSHOLA donne l'ordre de bien le taper et jusqu'à mort. C'est vers 17 heures que OGOUSHOLA conduit deux individus en sang menottés et qui étaient tous deux croulans. Je reconnu mon fils et Rémi et je suis atteint d'inanition.
OGOUSHOLA me demanda à peine si je connaissais ces deux personnes qu'il se jeta à bras raccourcis sur mon fils Souradjou qu'il a battu jusqu'au coma et ce fut le tour de Rémi qui était déjà mourant. Car moi j'entendais les gens taper quelqu'un depuis 13 heures C'était lui et sur cette dernière descente de OGOUSHOLA, Rémi reçu le coup fatal, il faut ajouter que la torture dura pour la dernière fois de 18 heures à 22 heures.
Après que Rémi ait succombé et que mon fils fut dans le coma, les gendarmes n'étaient pas intervenus. Il a fallu l'intervention de toute ma famille pour que le corps médical puisse intervenir pour sauver la vie à mon fils Souradjou. Les ordonnances étaient supportées par moi-même car OGOUSHOLA a refusé de le faire, et c'est près de 85.000 f cfa qui ont été engloutis pour sauver la vie à Souradjou. Sa mère a été obligée d'abandonner son commerce et d'investir tout l'argent qu'elle avait et a été immobilisée pour garder le malade et le choc reçu est à l'origine des troubles de la tension artérielle dont elle souffre. L'état de mon enfant est encore très grave car je crainds u'il ne puisse plus étudier correctement sans des soins approfondis.
Par rapport à la mère de Rémi, il faut dire que bien que son enfant soit déjà arrêté, OGOUSHOLA ne s'est pas abstenu de jouir du sinistre plaisir de voir taper et humilier cette mère en la mettant nu comme un verre. Et poursuivre la torture jusqu'à ce qu'elle perde connaissance.
Les témoignages seront mis à disposition au fur et à mesure de leurs saisies. A suivre donc ....
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